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- Liberté
de la presse
dans le monde
Près de sept cents
journalistes arrêtés
dans l'année
Au 1er janvier 2003,
au moins 118 journalistes
étaient toujours
emprisonnés dans le
monde pour leurs opinions
ou en raison de leurs
activités
professionnelles. Une
légère augmentation par
rapport à 2001 où ils
étaient 110. Près de la
moitié (53) sont
détenus dans un pays du
continent asiatique. Les
plus grandes prisons du
monde pour les
journalistes sont le
Népal (18), l'Erythrée
(18), la Birmanie
(16), la Chine
(11) et l'Iran
(9).
En 2002, sept cents
journalistes ont été
privés de leur liberté
pour des périodes plus
ou moins longues. Si
José Luis Manso Preto,
reporter indépendant
portugais, a été
interpellé pendant
quelques heures pour
avoir refusé de
révéler ses sources, en
revanche Win Tin,
célèbre journaliste
birman, est détenu
depuis plus de treize
ans.
Le Népal, avec au
moins cent trente
journalistes et
collaborateurs des
médias arrêtés par les
forces de sécurité, a
connu une année
dramatique. Les
journalistes, accusés de
sympathie pour la
guérilla maoïste, ont
été détenus par
l'armée et la police
sans aucune forme de
jugement et dans des
conditions très
difficiles. Ainsi, Gopal
Budhathoki, directeur
d'une publication
indépendante, est resté
vingt-deux jours en
cellule les mains
attachées et les yeux
bandés. La mobilisation
des organisations de
journalistes népalais a
obligé le gouvernement
à libérer un grand
nombre de détenus,
après un pic à plus de
35 au milieu de l'année
2002.
En Erythrée,
dix-huit professionnels
de la presse sont
derrière les barreaux
depuis fin 2001, détenus
dans un lieu gardé
secret par les
autorités, sans raison
officielle ni procès. De
nombreux journalistes ont
fui le pays et la presse
privée a disparu du
pays.
En Israël, le
gouvernement a eu recours
à la détention
administrative à
l'encontre de quinze
journalistes
palestiniens. Hussam Abu
Alan, photographe
palestinien de l'Agence
France-Presse, a ainsi
été emprisonné six
mois sans aucune forme de
procès.
En Birmanie, les
autorités ont une
attitude criminelle
vis-à-vis des
journalistes
emprisonnés, en
maintenant en détention
des journalistes âgés
et malades. Lourdement
condamnés pour avoir
"diffusé des
informations hostiles à
l'Etat" ou pour
avoir informé des
journalistes étrangers,
ils sont détenus dans
des conditions
difficiles.
En Chine, aux onze
journalistes
emprisonnés, s'ajoutent
trente-cinq
cyberdissidents arrêtés
pour avoir diffusé des
informations jugées
"subversives"
sur Internet. L'un de ces
derniers a été
condamné à quatre ans
de prison.
Quelques bonnes nouvelles
ont pourtant marqué
l'année 2002 avec
notamment la libération
du Rwandais Gédéon
Mushimiyimana innocenté
par la population de sa
région d'origine après
six ans de détention, du
Pakistanais Ayub Khoso
après trois ans de
prison grâce à un
jugement de la Haute cour
d'Hyderabad (sud du
pays), du Birman Myo
Myint Nyein après douze
ans dans une cellule
insalubre ou de Vanessa
Leggett après 168 jours
de détention aux
Etats-Unis pour avoir
refusé de révéler ses
sources.
Près de mille cinq
cents journalistes
agressés ou menacés
Les agressions et les
menaces contre des
professionnels de la
presse ont augmenté de
manière vertigineuse. Au
moins 1 420 d'entre eux
ont été frappés,
menacés de mort,
kidnappés, chargés par
la police ou harcelés.
Près de la moitié de
ces agressions et menaces
ont eu lieu en Asie
(589). Et cette violence
n'est pas le monopole de
l'Etat. Des militants de
partis politiques, de
groupes armés ou mafieux
sont également des
prédateurs de la
liberté de la presse.
Bien entendu, les crises
politiques ou sociales
sont propices au
déchaînement de la
violence contre les
journalistes. En
Amérique latine, par
exemple, les tensions au
Venezuela, en
Haïti ou en
Argentine ont
provoqué une
augmentation importante
du nombre d'agressions.
Au Bangladesh,
plus de 380 journalistes
ont été agressés ou
menacés par des
militants ou des
sympathisants de partis
politiques. Le plus
souvent, ces attaques ont
été le fait de
militants ou de
protégés des partis au
pouvoir, le Bangladesh
Nationalist Party (BNP)
et le Jamaat-e-Islami
(islamiste). Les
journalistes qui
dénoncent des affaires
de corruption, la
violence politique ou
l'intolérance religieuse
sont des cibles
privilégiées.
En Algérie, au
moins vingt journalistes
ont été malmenés par
les forces de sécurité
ou des notables locaux.
Le correspondant du
quotidien El-Watan
à Tébessa s'est
suicidé en octobre : il
avait été violemment
pris à partie par les
hommes de main du
président de la Chambre
de commerce et
d'industrie.
Les tensions religieuses
et ethniques ont eu des
répercussions très
négatives sur les
conditions de travail des
reporters. Ainsi, pas
moins de vingt
journalistes ont été
menacés lors des
émeutes qui ont suivi la
publication d'un article
sur l'élection de Miss
Monde, dans le nord du
Nigeria. Les émeutes
anti-musulmans dans
l'Etat indien du Gujarat
ont été accompagnées
d'une trentaine
d'agressions de
journalistes.
Dans les Territoires
palestiniens occupés par
Israël, au moins
cinquante reporters ont
été pris pour cibles
par l'armée
israélienne. Neuf
d'entre eux ont été
blessés par balles.
Certains groupes
palestiniens, notamment
le Hamas, s'en sont
également pris à des
journalistes lors de
manifestations.
Plus d'un média
censuré par jour
En 2002, 389 médias
ont été censurés dans
le monde. Les Etats usent
et abusent de lois sur la
presse qui permettent de
fermer définitivement ou
temporairement les
médias, d'interdire des
publications étrangères
ou d'imposer un black-out
sur certaines
informations.
En Chine, le
gouvernement continue de
brouiller les fréquences
de certaines radios
internationales qui
émettent en chinois, en
tibétain ou en ouighour.
En juillet, le régime
communiste a suspendu la
diffusion de la chaîne
britannique BBC
pour les abonnés chinois
du satellite. Lors de la
préparation du XVIe
congrès du Parti
communiste, une dizaine
de publications ont été
fermées pour des
articles jugés gênants
par le parti unique.
En Turquie, le
nombre de chaînes de
télévision, de stations
de radio et d'organes de
presse écrite suspendus
provisoirement par le
RTÜK, l'organe
gouvernemental de
surveillance de
l'audiovisuel, ou par les
différentes Cours de
sûreté de l'Etat, est
toujours aussi élevé
qu'en 2001. 20 médias
ont été censurés pour
avoir "incité à la
violence" ou
"attenté à la
sûreté de l'Etat".
En Iran, la
justice, aux ordres des
conservateurs, s'est de
nouveau attaquée à la
presse réformatrice. Au
moins quinze publications
ont été suspendues,
dont le quotidien
indépendant Bonyan.
Au Soudan, les
autorités ont censuré
plus d'une dizaine de
fois des publications
indépendantes sur des
sujets tels que le sida
ou les pourparlers de
paix avec les rebelles
sudistes.
En Europe, c'est en
Russie que
l'augmentation de la
censure a été la plus
significative. En
novembre, le FSB (ex KGB)
a confisqué le serveur
informatique de
l'hebdomadaire Versia
pour sa couverture de
l'intervention des forces
spéciales lors de la
libération des otages du
théâtre de Moscou, en
octobre dernier.
Au Bangladesh
encore, la justice a
retiré la licence de
diffusion de la seule
chaîne privée
hertzienne qui
connaissait un grand
succès dans la
population. En
Malaisie, le
gouvernement a bloqué,
en février, la diffusion
de quatre magazines
internationaux notamment
The Economist. Et en
Birmanie, la junte
militaire a suspendu des
journaux qui avaient
utilisé le mot
"Thaïlande" en
pleine crise diplomatique
entre les deux pays.
Dans les pays du Golfe,
la censure est aussi
courante que
l'autocensure. En
Arabie saoudite,
toutes les publications
étrangères sont
systématiquement
passées au crible avant
distribution. Le régime
saoudien mène également
une campagne pour le
boycott de la chaîne
arabe d'information
Al-Jazira, dont les
bureaux ont été fermés
cette année au Koweït,
en Jordanie et
temporairement en Irak.
Au Maghreb, le régime du
président Zine
el-Abidine Ben Ali
s'illustre en contrôlant
étroitement les médias
de Tunisie, qu'ils
soient publics ou
privés.
En Afrique, les forces de
sécurité sont souvent
chargées de saisir les
copies des publications
qui dérangent. Au
Zimbabwe, le
quotidien indépendant
Daily News est
régulièrement l'objet
de perquisitions, et au
Togo, la police du
président Gnassingbé
Eyadéma a saisi environ
40 000 exemplaires de
journaux d'opposition.
La censure est
pratiquement absente en
Amérique latine à
l'exception notable du
régime castriste qui ne
tolère aucun média
indépendant. Par
exemple, le gouvernement
de La Havane continue de
brouiller les fréquences
des radios qui émettent
depuis la Floride.
La presse étrangère
sous haute surveillance
La Corée du Nord
(pays le plus répressif
au monde en terme de la
liberté de la presse
selon le Classement
mondial établi par
Reporters sans
frontières en 2002)
n'autorise qu'au
compte-gouttes l'entrée
de journalistes
étrangers. Ces derniers
sont accompagnés
vingt-quatre heures sur
vingt-quatre par un guide
officiel qui les menace
de représailles s'ils
tentent de prendre des
images
"interdites".
Une dizaine de pays
continuent à obliger les
médias étrangers à
travailler avec des
guides officiels. C'est
le cas en Irak, en
Birmanie ou en
Tchétchénie. Un
plus grand nombre encore
oblige les journalistes
étrangers à disposer
d'un visa de presse
spécifique. Ceux qui
décident de travailler
sans ce visa s'exposent
à des risques de plus en
plus élevés. Deux
journalistes de la
chaîne de télévision
britannique Channel 4
ont été détenus deux
semaines au Bangladesh
pour être entrés dans
le pays sans visas de
presse. Leur fixeur
local, Saleem Samad,
correspondant de
Reporters sans
frontières, est
emprisonné sans jugement
depuis plus d'un mois
après avoir été
torturé par la police.
A Cuba, les
pressions exercées sur
un correspondant
étranger, parfois par le
président Fidel Castro
en personne, servent
d'avertissement pour
l'ensemble de la presse
étrangère. En octobre,
la police cubaine a
confisqué tout le
matériel professionnel
de Catherine David,
reporter de
l'hebdomadaire français
Le Nouvel Observateur.
La liberté de la
presse menacée par la
lutte contre les
"terroristes"
La lutte contre le
terrorisme engagée par
les Etats-Unis et leurs
alliés après les
attentats du 11 septembre
2001 a eu un impact
négatif sur la liberté
de la presse. De nombreux
gouvernements ont
intensifié et justifié
leur répression des voix
d'opposition ou
indépendantes au nom de
ce combat, par ailleurs
nécessaire. Les
journalistes suspectés,
le plus souvent sans
preuve, de soutenir les
"terroristes
maoïstes" au
Népal, les
"terroristes des
FARC" en Colombie,
les "terroristes
tchétchènes" en
Russie ou les
"terroristes
ouighours ou
tibétains" en
Chine, sont pris pour
cibles.
Bien entendu, les
mouvements terroristes,
notamment Al-Qaida, ont
déjà montré leur
détermination à
éliminer la liberté
d'expression, mais les
débordements des forces
de sécurité des Etats
engagés dans la lutte
antiterroriste ne peuvent
en aucun cas être
justifiés. En
Afghanistan, une
demi-douzaine de
journalistes ont été
agressés ou menacés par
des soldats américains
ou leurs auxiliaires
afghans.
Par ailleurs, dans la
douzaine de lois
antiterroristes adoptées
à travers le monde en
2002, on trouve des
articles qui remettent en
cause la confidentialité
de l'information et des
sources des journalistes.
La protection des sources
a été l'un des grands
enjeux de l'année. Dans
des régimes autoritaires
mais aussi dans des
démocraties, des
dizaines de journalistes
ont été entendus, mis
en examen, interpellés
ou menacés pour avoir
refusé de révéler
leurs sources, notamment
dans des affaires de
terrorisme.
La liberté
de la presse n'est pas
garantie dans plus de la
moitié des pays du
monde. Si la justice
internationale offre de
nouvelles perspectives
dans la lutte contre
l'impunité, la vigilance
reste de mise en cette
année 2003.
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