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Liberté de la presse dans le monde

 

IXe Sommet de la Francophonie Beyrouth, Liban - 18 au 20 octobre 2002

La Francophonie assiste passivement aux violations quotidiennes de la liberté de la presse

4 journalistes et 5 cyberdissidents actuellement emprisonnés

Au Rwanda, deux journalistes sont derrière les barreaux, probablement en raison de leurs activités professionnelles. Dominique Makeli, journaliste à Radio Rwanda, a été arrêté le 18 septembre 1994. Huit ans plus tard, le journaliste, incarcéré à la prison de Rilima, n'a toujours pas été jugé. Il ne connaît même pas précisément les charges qui pèsent sur lui.

Au Viêt-nam, Nguyen Dinh Huy, âgé de 69 ans, est détenu depuis novembre 1993 dans un camp au nord-est de Hô Chi Minh-Ville. Ses conditions de détention sont précaires et la discipline est rigoureuse. Selon sa femme, il souffrirait de la maladie de Parkinson. Il a été condamné en 1995 à quinze ans de prison et à cinq ans de résidence surveillée pour "activités visant à renverser le gouvernement du peuple". Les autorités lui reprochent d'avoir participé à la création du Mouvement pour l'unité du peuple et pour la construction de la démocratie, une organisation qui milite, entre autres, pour la liberté de la presse au Viêt-nam. Un autre journaliste, Nguyen Xuan Tu, est en résidence surveillée depuis février 2001.

En Egypte, Abd al-Munim Gamal al-Din Abd al-Munim est en prison depuis février 1993. Ce journaliste du bihebdomadaire pro-islamiste Al-Shaab a été jugé et acquitté à deux reprises. Malgré ces décisions de justice, il demeure incarcéré et ignore quand il sera libéré. Ses conditions de détention sont déplorables. En 1998, il a entrepris une grève de la faim de 50 jours pour protester contre sa détention illégale. Par ailleurs, Mahmoud Mahran, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Al Nabaa et du quotidien Akher Khabar, est emprisonné depuis octobre 2001.

En Tunisie, deux journalistes sont emprisonnés. En 1991, Hamadi Jebali, directeur de l'hebdomadaire Al Fajr, organe officieux du mouvement islamiste Ennahda, a été condamné à seize ans de prison pour "appartenance à une organisation illégale" et "volonté de changer la nature de l'Etat". Après avoir passé onze ans en prison pour les mêmes raisons, Abdallah Zouari, également journaliste d'Al Fajr, a été de nouveau arrêté en août 2002 pour avoir refusé de se plier à une mesure d'éloignement arbitraire.
 
Enfin, au Niger, Abdoulaye Tiémogo, directeur de publication du Canard déchaîné, est emprisonné depuis le 18 juin 2002. Il a été condamné à une peine de huit mois de prison pour diffamation. Le Premier ministre, Hama Amadou, avait porté plainte contre le journaliste après la publication de trois articles très critiques dans le Canard déchaîné. Le journaliste y accusait le chef du gouvernement de vouloir corrompre le président de l'Assemblée nationale pour conserver son fauteuil de Premier ministre.
 
D'autres journalistes sont détenus aux Comores (1), en République démocratique du Congo (2), et au Togo (1).
 
Internet et les utilisateurs du Réseau sont également placés sous haute surveillance dans certains pays membres de la Francophonie. Ainsi, en Tunisie, un cyberdissident est détenu depuis juin 2002. Zouhair Yahyaoui, fondateur et journaliste de TUNeZINE.com, a été condamné à deux ans de prison pour "propagation de fausses nouvelles". Il avait fondé son site, un an plus tôt, pour diffuser des informations sur la lutte en faveur de la démocratie et des libertés en Tunisie. Il avait notamment été l'un des premiers à diffuser la lettre dénonçant le système judiciaire du pays adressée au président de la République par le juge Mokhtar Yahyaoui. Le site avait été censuré par les autorités dès sa création.

Enfin, au Viêt-nam, trois cyberdissidents sont détenus depuis février 2002. Son Hong Pham, médecin marié à une employée de l'Agence de la Francophonie à Hanoï, a été arrêté pour avoir traduit et diffusé sur Internet un article intitulé "Ce qu'est la démocratie".
 
Conclusion

Le nombre sans cesse croissant des exactions commises envers les journalistes montre que la situation de la liberté de la presse continue à se dégrader dans l'espace francophone. Aujourd'hui, les pays francophones qui bafouent la liberté de la presse sont plus nombreux que lors du précédent sommet, en septembre 1999. Ces vingt Etats ne respectent ni les idéaux de la Francophonie, ni les engagements internationaux qu'ils ont pourtant souscrits. Faut-il rappeler que les Etats membres ont signé, en septembre 1999, un plan d'action affirmant que "le respect des droits de l'homme" est un "axe prioritaire".

Par ailleurs, la Francophonie prévoit un mécanisme de sanction des pays "en cas de rupture de la démocratie ou de violations massives des droits de l'homme". Ces sanctions vont de la réduction des contacts avec l'Etat concerné à sa suspension.
 
Sur cette base, Reporters sans frontières demande :

- la suspension de la Francophonie de la Guinée équatoriale, du Laos, de la Tunisie et du Viêt-nam, comme le prévoit la déclaration de Bamako en cas de "violations graves des droits de l'homme".
- l'arrêt de la coopération multilatérale francophone avec le Burkina Faso, Djibouti, Haïti, la Mauritanie, la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Togo. Ë un rappel à l'ordre par le secrétaire général de la Francophonie de tous les autres Etats qui bafouent la liberté de la presse : le Cameroun, les Comores, l'Egypte, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Liban, le Maroc, le Niger et les Seychelles.
Par ailleurs, Reporters sans frontières appelle tous les Etats participants au Sommet de Beyrouth :
- à modifier dans leur législation tous les articles de loi qui prévoient des peines de prison pour des délits de presse afin de leur substituer des amendes. L'organisation rappelle qu'en janvier 2000, le rapporteur spécial des Nations unies pour la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression a demandé "instamment à tous les gouvernements de veiller à ce que les délits de presse ne soient plus passibles de peines d'emprisonnement (Š) Pour des délits tels que "écrits diffamatoires", "insultes" ou "outrage" envers le chef de l'Etat, ou la publication d'informations "fausses" ou "alarmistes", les peines de prison sont à la fois répréhensibles et hors de proportion avec le dommage subi par la victime".
- à mettre fin à l'impunité concernant les assassinats de journalistes. L'organisation demande tout particulièrement aux autorités du Burkina Faso et de Haïti de tout mettre en oeuvre afin que les assassins de Norbert Zongo, de Michel Congo, de Jean Dominique et de Brignol Lindor soient enfin arrêtés et condamnés.
Reporters Sans Frontières, 5 rue Geoffroy Marie - 75009 Paris. 
Tél :01 44 83 84 84 / Fax : 01 45 23 11 51, http://www.rsf.org/, rsf@rsf.org



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