- SOMMAIRE
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Samedi 30 septembre 2006 :
QATAR : Dans une vidéo diffusée
vendredi 29 septembre 2006 par la télévision
satellitaire al-Jazeera, le
numéro deux d'Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a
qualifié le président américain George W. Bush de
"menteur" et de "charlatan"
affirmant qu'il "a échoué dans sa
guerre" contre son organisation. Il a
également traité le Pape Benoit XVI
d'"imposteur pour son attitude à l'égard
de l'islam et des musulmans".
(Source Fil-info-France)
Lundi 25 septembre 2006 :
VATICAN : A la suite de ses propos
jugés "offensants" par les Musulmans
du monde entier, le Pape Benoit XVI rencontre
lundi 25 septembre 2006 dans la résidence
d'été des papes de Castel Gandolfo, à une
trentaine de kilomètres de Rome, les
ambassadeurs de pays musulmans en poste au
Vatican. S'exprimant mardi 12 septembre 2006
devant des universitaires et des chercheurs à
l'université de Ratisbonne, le Pape avait fait
une distinction claire entre le christianisme et
l'islam dans leur rapport entre la foi et la
raison. Il a cité un universitaire selon lequel
"pour la doctrine musulmane, Dieu est
absolument transcendant. Sa volonté n'est liée
à aucune de nos catégories, pas même à celle
de la raison".
(Source Fil-info-France)
Lundi 18 septembre 2006 :
ITALIE : A l'occasion de la
célébration de l'Angelus à Castelgandolfo,
près de Rome, le pape Pape Benoit XVI s'est dit
"vraiment attristé par les réactions
engendrées par un bref passage de mon discours
à l'Université de Ratisbonne considéré comme
offensant pour la sensibilité des fidèles
musulmans, alors qu'il s'agissait d'une citation
d'un texte médiéval qui n'exprime en aucune
manière ma pensée personnelle". Il n'a pas
présenté ses excuses comme le demandaient de
nombreux pays musulmans.
(Source Fil-info-France)
Samedi 16 septembre 2006 :
PAKISTAN : Le Parlement a adopté à
l'unanimité vendredi 15 septembre 2006 une
résolution condamnant les propos du Pape Benoit XVI sur l'Islam
qualifiés d'"offensants" et exigeant
des excuses du souverain pontife. S'exprimant
mardi 12 septembre 2006 devant un parterre
d'universitaires et de chercheurs à
l'université de Ratisbonne, le Pape avait fait
une distinction claire entre le christianisme et
l'islam dans leur rapport entre la foi et la
raison. Il a cité un universitaire selon lequel
"pour la doctrine musulmane, Dieu est
absolument transcendant. Sa volonté n'est liée
à aucune de nos catégories, pas même à celle
de la raison".
(Source Fil-info-France)
Texte intégral du discours
de Benoît XVI à Ratisbonne
(Source : Radio Vatican - Dimanche
17 septembre 2006) Texte
intégral des « souvenirs et
réflexions » partagés par Benoît XVI
dans son discours à lUniversité de
Ratisbonne, face aux représentants de la science
: (Source La Croix)
«Cest pour moi un moment émouvant de me
retrouver une fois encore à luniversité
et de pouvoir y tenir une fois encore une
conférence. Mes pensées se retournent de même
vers les belles années au cours desquelles,
après une belle période à lInstitut
supérieur de Freising, jai commencé mon
activité académique comme enseignant à
luniversité de Bonn. Cétait encore
le temps 1959 de lancienne
université. Pour les différentes chaires il
ny avait ni assistants, ni secrétaires,
mais en revanche des rencontres directes avec les
étudiants et avant tout des professeurs entre
eux. Dans les salles des enseignants, on se
rencontrait avant et après les cours. Les
contacts avec les historiens, les philosophes,
les philologues, et naturellement aussi entre les
deux facultés de théologie étaient très
vivants.
Chaque semestre avait lieu ce quon appelait
un Dies academicus, au cours
duquel les professeurs de toutes les facultés se
présentaient devant les étudiants de
lensemble de luniversité : ainsi
devenait possible une réelle expérience de
lUniversitas. A travers toutes les
spécialisations, qui nous laissent parfois muets
les uns envers les autres, nous faisions
lexpérience de former cependant un tout,
et quen tout nous travaillions avec la
même raison dans toutes ses dimensions, avec le
sentiment que nous avions à assumer une
responsabilité commune dans lusage
correcte de la raison voilà ce que
lon pouvait vivre.
Luniversité était très fière de ses
deux facultés de théologie. Il était clair
quelles aussi, dans la mesure où elles
sinterrogent sur la raison de la foi,
accomplissent un travail qui appartient
nécessairement au tout de lUniversitas
scientiarum, même si tous ne pouvaient
pas partager la foi dont les théologiens
sefforcent de montrer quelle
sordonne à la raison commune. Ce lien
interne avec le cosmos de la raison ne fut pas
dérangé le jour où lon entendit un de
nos collègues déclarer que dans notre
université existait une chose remarquable : deux
facultés qui soccupent de quelque chose
qui nexiste même pas de Dieu.
Quà lencontre dun scepticisme
aussi radical, il demeure nécessaire et
raisonnable de sinterroger sur Dieu avec la
raison, cela restait indiscutable dans
lensemble de luniversité.
Tout cela mest revenu à lesprit
lorsque récemment jai lu une partie du
dialogue publié par le professeur Khoury (de
Münster) entre lempereur byzantin lettré
Manuel II Paléologue et un savant persan dans le
camp dhiver dAnkara en 1391, sur le
christianisme et lislam, et sur leur
vérité respective. Lempereur a sans doute
mis par écrit le dialogue pendant le siège de
Constantinople entre 1394 et 1402. On peut
comprendre ainsi que ses propres exposés soient
restitués de façon bien plus explicite que les
réponses du lettré persan. Le dialogue
sétend à tout le domaine de ce qui est
écrit dans la Bible et dans le Coran au sujet de
la foi ; il sintéresse en particulier à
limage de Dieu et de lhomme, mais
aussi au rapport nécessaire entre les « trois
Lois » : Ancien Testament Nouveau
Testament Coran. Dans mon exposé, je ne
voudrais traiter que dun seul aspect
au demeurant marginal dans la rédaction du
dialogue , un aspect en lien avec le thème
foi et raison qui ma fasciné et me sert
dintroduction à mes réflexions sur ce
thème.
Dans le 7e dialogue édité par le professeur
Khoury (dialexis,
«controverse»), lempereur en arrive
parler du thème du djihâd
(guerre sainte). Lempereur savait
certainement que dans la sourate 2, 256, il est
écrit : «Pas de contrainte en matière de foi»
cest lune des sourates
primitives datant de lépoque où Mohammed
lui-même était privé de pouvoir et se trouvait
menacé.
Mais lempereur connaissait naturellement
aussi les dispositions inscrites dans le Coran
dune époque plus tardive au
sujet de la guerre sainte. Sans sarrêter
aux particularités, comme la différence de
traitement entre « gens du Livre » et «
incroyants », il sadresse à son
interlocuteur dune manière étonnamment
abrupte au sujet de la question centrale du
rapport entre religion et contrainte. Il déclare
: « Montre-moi donc ce que Mohammed a apporté
de neuf, et alors tu ne trouveras sans doute rien
que de mauvais et dinhumain, par exemple le
fait quil a prescrit que la foi quil
prêchait, il fallait la répandre par le glaive.
»
Lempereur intervient alors pour justifier
pourquoi il est absurde de répandre la foi par
la contrainte. Celle-ci est en contradiction avec
la nature de Dieu et la nature de lâme. «
Dieu ne prend pas plaisir au sang, et ne pas agir
raisonnablement (sunlogô) est
contraire à la nature de Dieu. La foi est un
fruit de lâme, non du corps. Donc si
lon veut amener quelquun à la foi,
on doit user de la faculté de bien parler et de
penser correctement, non de la contrainte et de
la menace. Pour convaincre une âme raisonnable,
on na besoin ni de son bras, ni dun
fouet pour frapper, ni daucun autre moyen
avec lequel menacer quelquun de mort.»
La principale phrase dans cette argumentation
contre la conversion par contrainte
sénonce donc ainsi : Ne pas agir selon la
raison contredit la nature de Dieu. Le professeur
Théodore Khoury, commente ainsi : pour
lempereur, «un Byzantin, nourri de la
philosophie grecque, ce principe est évident.
Pour la doctrine musulmane , Dieu est absolument
transcendant, sa volonté nest liée par
aucune de nos catégories, fût-elle celle du
raisonnable». Khoury cite à lappui une
étude du célèbre islamologue français R.
Arnaldez, affirmant qu«Ibn Hasm ira
jusquà soutenir que Dieu nest pas
tenu par sa propre parole, et que rien ne
loblige à nous révéler la vérité :
sIl le voulait, lhomme devrait être
idolâtre» (1).
Ici seffectue une bifurcation dans la
compréhension de Dieu et dans la réalisation de
la religion, qui nous interpelle directement
aujourdhui. Est-ce seulement grec, de
penser quagir contre la raison est en
contradiction avec la nature de Dieu, ou est-ce
une vérité de toujours et en soi ? Je pense
quen cet endroit devient visible
laccord profond entre ce qui est grec, au
meilleur sens du terme, et la foi en Dieu fondée
sur la Bible.
En référence au premier verset de la Genèse,
Jean a ouvert le prologue de son Évangile avec
la parole : Au commencement était le
Logos. Cest exactement le terme
quemploie lempereur : Dieu agit avec
logos. Logos désigne à la fois la raison et la
Parole une raison qui est créatrice et
peut se donner en participation, mais
précisément comme raison. Jean nous a ainsi
fait don de la parole ultime du concept biblique
de Dieu, parole dans laquelle aboutissent tous
les chemins, souvent difficiles et tortueux, de
la foi biblique, et trouvent leur synthèse. Au
commencement était le Logos, et le Logos est
Dieu, nous dit lévangéliste. La rencontre
du message biblique et de la pensée grecque
nest pas un hasard. La vision de saint Paul
à qui se fermèrent les chemins vers lAsie
et qui vit en songe au cours de la nuit un
Macédonien et lentendit lappeler :
Viens à notre aide (Actes 16, 6-10)
cette vision peut être interprétée
comme un condensé de la nécessaire rencontre
interne entre foi biblique et questions grecques.
Cette rencontre était depuis longtemps en
marche. Déjà le nom de Dieu très mystérieux
émanant du buisson ardent, qui sépare ce Dieu
de tous les dieux aux noms multiples et le nomme
simplement lÊtre, est une contestation du
mythe, qui nest pas sans analogie interne
avec la tentative de Socrate de dépasser et de
surmonter le mythe. Le processus commencé au
buisson ardent parvient à une nouvelle maturité
à lintérieur de lAncien Testament
durant lExil, où le Dieu dIsraël,
alors privé de pays et de culte, se proclame
comme le Dieu du ciel et de la terre et se
présente avec une simple formule, dans la
continuation de la parole du buisson ardent « Je
le suis ». Avec cette nouvelle confession de
Dieu sopère de proche en proche une
clarification qui sexprime efficacement
dans le mépris des idoles, lesquelles ne sont
que des ouvrages fabriqués par les hommes (cf.
Ps 115).
Cest ainsi que la foi biblique à
lépoque helléniste, sétant
opposée avec une extrême vigueur aux autorités
hellénistes qui voulaient faire adopter par la
contrainte les manières de vivre des Grecs et le
culte de leurs divinités, alla de
lintérieur à la rencontre de la pensée
grecque en ce quelle avait de meilleur pour
un apaisement réciproque, telle quelle
sest en particulier réalisée plus tard
dans la littérature sapientielle.
Aujourdhui, nous savons que la traduction
de lAncien Testament de lhébreu en
grec réalisée à Alexandrie la Septante
est plus quune simple traduction du
texte hébreu (appréciée peut-être de façon
pas très positive) ; à vrai dire, il
sagit dun témoin textuel
indépendant et dun pas spécifique
important de lhistoire de la Révélation,
par lequel sest réalisée cette rencontre
dune manière qui acquit une signification
décisive pour la naissance et lexpansion
du christianisme. En profondeur, il y va, dans la
rencontre entre foi et raison, des lumières et
de la religion authentiques. A partir de
lessence de la foi chrétienne et en même
temps à partir de lessence de
lhellénisme, qui sétait fondu avec
la foi, Manuel II a pu effectivement déclarer :
Ne pas agir « avec le Logos » est en
contradiction avec la nature de Dieu.
La probité exige quon doive considérer
ici que, au cours du Moyen Âge tardif, se sont
développées en théologie des tendances qui ont
fait éclater cette synthèse entre le grec et le
chrétien. Contre le soi-disant intellectualisme
augustinien et thomiste commence, avec Duns Scot,
une position du volontarisme qui conduisit
finalement à dire que nous ne connaissons de
Dieu que sa voluntas ordinata.
Au-delà, il y a la liberté de Dieu, en vertu de
laquelle il aurait également pu faire le
contraire de tout ce quil a fait. Ici se
dessinent des positions qui peuvent être
rapprochées totalement de celles dIbn Hazm
et qui peuvent tendre vers limage dun
Dieu arbitraire, qui nest pas tenu par la
vérité et le bien. La transcendance et
laltérité de Dieu sont placées si haut
que notre raison, notre sens du vrai et du bien
ne sont plus de réels miroirs de Dieu, dont les
possibilités mystérieuses, derrière ses
décisions effectives, nous restent
éternellement inaccessibles et cachées.
A lencontre de cette position, la foi
chrétienne a toujours affirmé fermement
quentre Dieu et nous, entre son esprit
créateur éternel et notre raison créée, il
existe une réelle analogie, dans laquelle les
dissimilitudes sont infiniment plus grandes que
les similitudes, mais cela ne supprime pas
lanalogie et son langage (cf. concile
Latran IV). Dieu ne devient pas plus divin si
nous léloignons dans un volontarisme pur
et incompréhensible, mais le véritable Dieu est
le Dieu qui sest manifesté dans le Logos,
et qui a agi et qui agit par amour envers nous.
Certes, lamour « surpasse » la
connaissance et demande en conséquence de
prendre en considération plus que la simple
pensée (cf. Eph 3, 19), mais il reste néanmoins
amour du Dieu-Logos ; cest pourquoi le
culte de Dieu chrétien est logiké
latreia culte de Dieu en accord
avec la Parole éternelle et avec notre raison
(cf Rm 12, 1).
La rencontre intime qui sest réalisée
entre la foi biblique et les interrogations de la
philosophie grecque nest pas seulement un
événement concernant lhistoire des
religions, mais un événement décisif pour
lhistoire mondiale qui nous concerne aussi
aujourdhui. Quand on considère cette
rencontre, on ne sétonne pas que le
christianisme, bien quil soit né et ait
connu un développement important en Orient, ait
finalement trouvé son véritable impact grec en
Europe. Nous pouvons aussi dire, à
linverse : cette rencontre, à laquelle
sest ensuite ajouté lhéritage de
Rome, a fait lEurope et reste au fondement
ce quon peut appeler à juste titre
lEurope.
Cette thèse que lhéritage
grec critiquement purifié appartient à la foi
chrétienne fait face à lexigence
dune déshellénisation qui domine de
façon croissante le débat théologique depuis
le début de lépoque moderne. Si lon
y regarde de plus près, on peut observer que ce
programme de déshellénisation a connu trois
vagues, sans doute liées, mais pourtant
différentes les unes des autres dans leur
fondement et dans leurs buts.
La déshellénisation apparaît dabord en
lien avec les fondements de la Réforme du XVIe
siècle. Les réformés se sont situés face à
la tradition scolastique de la théologie, qui
avait totalement systématisée la foi sous la
détermination de la philosophie, pour ainsi dire
une détermination étrangère de la foi par une
pensée qui némane pas delle. La foi
napparaissait plus comme Parole vivante et
historique, mais comme domiciliée dans un
système philosophique. La scriptura
sola recherche, à linverse, la
forme originaire de la foi telle quelle est
donnée originairement dans la Parole biblique.
La métaphysique apparaît comme une assertion
qui provient dailleurs et dont il faut
libérer la foi, en sorte quelle soit de
nouveau totalement elle-même. Avec une
radicalité que ne pouvaient pas prévoir les
réformés, Kant a fonctionné à partir de ce
programme, quand il disait quil a dû
écarter la pensée pour faire place à la foi.
En cela, il a ancré la foi exclusivement dans la
raison pratique et lui a dénié laccès à
la totalité de la réalité.
La théologie libérale des XIXe et XXe siècles
apporta une deuxième vague dans le programme de
déshellénisation, dont Adolf von Harnack est le
plus éminent représentant. Au temps de mes
études comme dans les premières années de mon
activité académique, ce programme était aussi
fortement à luvre dans la théologie
catholique. La distinction que faisait Pascal
entre le Dieu des philosophes et le Dieu
dAbraham, dIsaac et de Jacob, servait
de point de départ. Dans ma leçon inaugurale à
Bonn en 1959, jai essayé de men
expliquer.
Je ne voudrais pas reprendre tout cela à nouveau
ici. Mais je voudrais du moins essayer
brièvement de faire ressortir la différence
entre cette nouvelle et deuxième
déshéllénisation et la première. Comme
pensée centrale apparaît, chez Harnack, le
retour à Jésus simple homme et à son simple
message, antérieurs à toutes les
théologisations et aussi à
lhellénisation : ce simple message
représente le vrai sommet du développement
religieux de lhumanité. Jésus a
congédié le culte pour la morale. Il est
finalement présenté comme le père dun
message moral plein damitié pour les
hommes. Lenjeu fondamental, cest
daccorder de nouveau le christianisme avec
la raison moderne, justement en le libérant des
éléments apparemment philosophiques et
théologiques, comme la foi en la divinité du
Christ ou au Dieu trinitaire.
Dans la mesure où elle saligne ainsi sur
une explication historico-critique du Nouveau
Testament, la théologie a de nouveau droit de
cité dans le cosmos de luniversité : la
théologie est, pour Harnack, essentiellement
historique et ainsi rigoureusement scientifique.
Ce quelle découvre sur le chemin de la
critique de Jésus est pour ainsi dire
lexpression de la raison pratique et par
là elle a aussi sa place dans lensemble
universitaire. A larrière-plan, on
perçoit lauto-limitation moderne de la
raison, telle quelle a trouvé son
expression classique dans les Critiques de
Kant, mais telle aussi quentre temps elle a
été radicalisée encore par la pensée
scientifique.
Cette conception moderne de la raison repose sur
la synthèse, confirmée par le succès
technique, entre le platonisme (cartésianisme)
et lempirisme, pour le dire brièvement.
Dun côté, on présuppose la structure
mathématique de la matière, à savoir sa
rationalité interne, qui rend possible de la
comprendre et de lutiliser comme force
effective : ce présupposé fondamental est pour
ainsi dire lélément platonicien de la
compréhension de la nature. De lautre
côté, il y va de la fonctionnalité de la
nature pour nos intérêts, sur quoi seule la
possibilité de la vérification ou de la
falsification par lexpérience livre la
certitude. Le poids entre les deux pôles peut
être placé davantage sur lun ou sur
lautre côté. Un penseur positiviste aussi
rigoureux que J. Monod sest décrit comme
un platonicien convaincu, cest-à-dire un
cartésien.
Cela entraîne pour notre question deux
orientations fondamentales. Seule la forme de
certitude qui se donne dans le jeu concerté des
mathématiques et de lexpérience autorise
à parler de scientificité. Tout ce qui prétend
être science doit se soumettre à ce critère.
Aussi, les sciences qui se rapportent aux
réalités humaines telles que
lhistoire, la psychologie, la sociologie,
la philosophie essaient de sadapter
à ce canon de la scientificité. Il est
important encore, pour nos réflexions, que la
méthode en tant que telle exclut la question de
Dieu et la fait apparaître comme
non-scientifique ou préscientifique. Mais par
là, nous nous trouvons devant un
rétrécissement du rayon de la science et de la
raison qui doit être mis en question .
Nous allons y revenir. Il faut dabord
constater quessayer de faire de ce point de
vue une théologie « scientifique », le
christianisme nest plus quun fragment
misérable. Mais nous devons dire plus :
lhomme lui-même en cela est diminué. Car
les questions humaines spécifiques : doù
venons-nous et où allons-nous, les questions de
la religion et de la morale, ne peuvent pas
trouver une place dans la raison communément
définie par la « science » et doivent être
transférées dans la subjectivité. La
subjectivité décide à partir de ses
expériences ce qui lui paraît supportable
dun point de vue religieux, et la «
conscience » subjective devient finalement
lunique instance éthique.
Mais de cette manière, morale et religion
perdent leur capacité de formation collective et
relèvent de larbitraire. Cette situation
est dangereuse pour lhumanité : nous le
constatons en voyant les pathologies de la
religion et de la raison, qui doivent
nécessairement se manifester là où la raison
est si réduite que les questions de la religion
et de la morale ne relèvent plus de son domaine.
Ce qui, dans les essais éthiques, provient des
règles de lévolution ou de la psychologie
et de la sociologie est tout simplement
insuffisant.
Avant den arriver aux conséquences ultimes
auxquelles je tends en tout cela, je dois
brièvement signaler la troisième
déshellénisation, qui a lieu actuellement. Au
regard de la rencontre avec la multiplicité des
cultures, on dit volontiers aujourdhui que
la synthèse avec la culture de la Grèce a été
une première inculturation, réalisée dans
lEglise antique, quon ne devrait pas
imposer aux autres cultures. Ce serait leur droit
de contourner cette inculturation pour revenir au
simple message du Nouveau Testament, afin de
linculturer à nouveau dans leurs espaces.
Cette thèse nest pas simplement fausse,
elle est exagérée et inexacte. Car le Nouveau
Testament est écrit en grec et porte en
lui-même la rencontre avec lesprit grec
qui avait mûri auparavant dans la formation de
lAncien Testament. Bien sûr, il y a des
couches dans le devenir de lEglise antique
qui ne doivent pas entrer dans toutes les
cultures. Mais les choix fondamentaux, qui
concernent le lien de la foi avec la quête de la
raison humaine, appartiennent à cette foi
elle-même et sont adaptés à son
développement.
Jen viens à ma conclusion. Lessai
dautocritique de la raison esquissé ici à
gros traits nimplique pas du tout la
conception selon laquelle il faudrait revenir en
deçà de lAufklärung
et congédier les vues de la modernité. La
grandeur du développement moderne de
lesprit est reconnue sans restriction :
nous sommes tous reconnaissants pour les grandes
possibilités quelle a ouvertes à
lhomme et pour les progrès de
lhumanité qui nous sont offerts.
Léthique de la scientificité est en outre
volonté dobéissance envers la vérité
et, par suite, expression dune attitude
fondamentale qui appartient aux choix
fondamentaux du christianisme.
Il sagit non dun retrait, ni
dune critique négative, mais dun
élargissement de notre concept et de notre usage
de la raison. Car avec toute la joie que nous
éprouvons à la vue des nouvelles possibilités
de lhomme, nous voyons aussi les dangers
qui croissent avec ces possibilités et nous
devons nous demander comment en devenir maîtres.
Nous le pouvons seulement si raison et foi
sunissent dune manière nouvelle ; si
nous surmontons lauto-limitation de la
raison à ce qui est falsifiable dans
lexpérience, et si nous ouvrons de nouveau
à la raison toute sa largeur. En ce sens, la
théologie appartient à lUniversité non
seulement comme discipline relevant de
lhistoire et des sciences humaines, mais
comme spécifiquement théologie, comme question
sur la raison de la foi et à son large dialogue
avec les sciences.
Ainsi seulement nous devenons capables dun
authentique dialogue entre cultures et religions,
dont nous avons impérativement besoin. Dans le
monde occidental domine largement lopinion
que seule la raison positiviste et les formes de
la philosophie qui en dépendent sont
universelles. Mais précisément, cette exclusion
du divin hors de luniversalité de la
raison est perçue, par les cultures
profondément religieuses du monde, comme un
mépris de leurs convictions les plus intimes.
Une raison qui est sourde au divin et repousse
les religions dans le domaine des sous-cultures
est inapte au dialogue des cultures.
En outre, comme jai essayé de le montrer,
la raison scientifique, avec son élément
platonicien, porte en elle-même une question qui
tend au-delà delle et des possibilités de
sa méthode. Elle doit tout simplement accepter
comme un donné la structure rationnelle de la
matière, tout comme la correspondance entre
notre esprit et les structures rationnelles qui
règnent dans la nature, un donné sur lequel est
fondé sa méthode. Mais la question
pourquoi il en est ainsi demeure, et
doit être transmise par les sciences de la
nature à dautres niveaux et à
dautres manières de penser à la
philosophie et à la théologie.
Pour la philosophie et dune autre manière
pour la théologie, lécoute des grandes
expériences et intuitions des traditions
religieuses de lhumanité, en particulier
de la foi chrétienne, est une source de
connaissance, contre laquelle on ne se
protègerait quen restreignant de façon
inadmissible notre capacité découter et
de trouver des réponses. Il me vient ici à
lesprit un mot de Socrate à Phédon. Les
discours précédents ayant évoqué beaucoup
dopinions philosophiques fausses, Socrate
déclare : « On comprendrait aisément que
quelquun, devant tant de faussetés,
passât le restant de sa vie à haïr et à
mépriser tous les discours sur lêtre. »
Mais de cette manière, il perdrait la vérité
de lêtre et sattirerait un très
grand dommage.
LOccident est menacé depuis longtemps par
le rejet des questions fondamentales de la raison
et ne peut en cela que courir un grand danger. Le
courage pour lélargissement de la raison,
non la dénégation de sa grandeur tel est
le programme quune théologie responsable
de la foi biblique doit assumer dans le débat
actuel. « Ne pas agir selon la raison (selon le
Logos) soppose à la nature de Dieu »,
répliqua Manuel II, depuis sa vision chrétienne
de limage de Dieu, à son interlocuteur
persan. Cest dans ce grand Logos, dans
cette large raison que nous invitons nos
partenaires au dialogue des cultures. La trouver
toujours à nouveau, telle est la grande tâche
de lUniversité.»
(Traduit de lallemand par Marcel Neusch)(1)
Les citations de la controverse sont empruntées
par Benoît XVI à louvrage Entretiens
avec un musulman, de Manuel II Paléologue
(édition Sources chrétiennes) ; elles sont
traduites ici selon la reprise quen fait le
pape . Par contre, les citations de Th. Khoury et
de R. Arnaldez, tirées de la même édition,
sont reprises selon lédition originale
parue au Cerf (note du traducteur).
Le
Pape Benoît XVI :
A la suite du décès du Pape Jean
Paul II, 84 ans, samedi 2 avril 2005, inhumé
vendredi 8 avril 2006 dans une crypte de la
basilique Saint-Pierre à l'issue d'obsèques
"grandioses" en présence de dirigeants
du monde entier et d'un million de fidèles, le
cardinal allemand, Monseigneur Joseph Ratzinger, 79 ans,
bras droit du pape Jean Paul II, ancien
archevêque de Munich, doyen du Collège des
cardinaux, et président du Conclave, a été
élu Pape mardi 19 avril 2005 au deuxième jour
du conclave et au quatrième tour de scrutin par
les 115 cardinaux électeurs âgés de moins de
80 ans. Il a pris le nom de Benoît XVI.
Joseph Ratzinger a été nommé
commandeur de la Légion d'honneur en 1998.
Dans une lettre publiée en juin 2004 par
l'hebdomadaire italien "L'Espresso",
alors que les Etats-Unis se trouvait en pleine
campagne présidentielle, le cardinal Ratzinger
avait écrit aux évêques américains pour leur
demander de refuser la communion aux hommes
politiques défendant le droit à l'avortement
écrivant : "Aucun catholique ne devrait
recevoir la Sainte Communion s'il ou elle est
coupable d'un grave péché. L'avortement est un
grave péché". La lettre condamnait
également le mariage homosexuel. De nombreux
catholiques critiquent ce "gardien
intransigeant du dogme". Il est opposé à
l'ordination des femmes, au mariage des prêtres,
à l'homosexualité et au communisme. En 2004, il
s'est opposé à l'intégration de la Turquie
musulmane dans l'Union européenne, la qualifiant
"d'énorme erreur" et de
"décision contre l'histoire". Le
porte-parole du Vatican, Joaquin Navarro-Valls a
indiqué que la messe d'inauguration du
pontificat du nouveau pape, Benoît XVI, aura
lieu le dimanche 24 avril 2005. Plus de détails
: Quelques discours et interventions
de S.Em. le Cardinal Joseph Ratzinger
(Source Fil-info-France) - Edition du 20 avril 2005
ETATS-UNIS : Le
président américain George W.
Bush a salué mardi en Joseph Ratzinger,
élu nouveau pape, un "homme de grande
sagesse et de grand savoir". Les Etats-Unis
étaient représentés par 11 cardinaux en âge
de voter derrière l'Italie qui en avait 20.
Joseph Ratzinger a dénoncé les "souillures
dans l'Eglise" faisant une allusion directe
aux affaires de pédophilie qui ont touché
principalement l'Eglise américaine. Plus de 4
300 prêtres américains sont soupçonnés d'abus
sexuels sur plus de 10 000 enfants et adolescents
depuis les années 50, selon une étude
réalisée en 2004 par le John Jay
College de New York. Plus de
détails : Eglise catholique et pédophilie :
le Vatican rejette la charte américaine ; Clergé et pédophilie : une
controverse transreligieuse et transnationale
(Source Fil-info-France) - Edition du 20 avril 2005
MEDIAS - RELIGION : Les
évêques de France ont annoncé qu'ils avaient
saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA),
l'Instance de régulation du secteur audiovisuel
français, 2 jours après la diffusion par la
chaîne privée criptée Canal+ de la
séquence des Guignols de
linfo, le mercredi 20 avril
2005, où le nouveau Pape Benoît XVI était
présenté comme un nouvel Hitler, baptisé
"Adolf II". Canal+ a fait son mea culpa
en diffusant un communiqué pour "exprimer
ses regrets" reconnaissant "le
caractère outrancier et déplacé" de la
séquence incriminée. Le producteur de
lémission, Yves Le Rolland, a admis que la
caricature concernant la jeunesse de Joseph
Ratzinger était "un raccourci malheureux,
mais en aucun cas destiné à choquer". Le Conseil
représentatif des institutions juives de France CRIF s'est
dit "indigné" de la façon dont a
été représentée lappartenance du pape
Benoît XVI aux Jeunesses hitlériennes. NDLR. La jeunesse allemande était réunie lors de
cérémonie pour prêter serment au Führer,
Adolf Hitler, sous le signe de la croix gammée,
symbole du nazisme, période pendant laquelle l'antisémitisme fut à son apogée. Le CRIF
rappelle que le pape lui-même na jamais
caché cet épisode de sa jeunesse. "Il est
plus que vraisemblable que si les auteurs de
cette émission avaient eu le même âge et
étaient nés dans le même pays que le pape, ils
auraient été membres de cette
organisation", poursuit le CRIF. "Dans
toute son activité ultérieure, Joseph Ratzinger
a largement montré son refus de
lantisémitisme, et nous sommes convaincus
que son expérience de jeunesse aura contribué
à le fortifier dans le rejet de tout racisme. Le
CRIF reste persuadé que le pape Benoît XVI
perpétuera le profond dialogue interreligieux
établi par Jean-Paul II. Le secrétaire
général de la conférence
des Evêques de France, a
remercié le Conseil
représentatif des institutions juives de France CRIF pour
ses prises de positions.
(Source Fil-info-France) - Edition du 27 avril 2005 (France-
Médias - Religion)
Biographie du Pape Benoît XVI :
Le Cardinal Joseph Ratzinger, qui a
pris le nom de Benoît XVI, est né à Marktl am
Inn, dans le diocèse de Passau (Allemagne), le
16 avril 1927, dun père, officier de
police, issu dune vieille famille
dagriculteurs de la Basse Bavière
Durant les derniers mois de la Deuxième guerre
mondiale, il fut enrôlé dans les services
auxiliaires de défense antiaérienne.
De 1946 à 1951, il étudie la philosophie et la
théologie à lInstitut supérieur de
Freising et à lUniversité de Munich.
Il est ordonné prêtre le 29 juin 1951.
Lannée suivante, il commence à enseigner
à lInstitut supérieur de Freising.
En 1953, il obtient son doctorat en théologie
avec une thèse intitulée : « Peuple et maison
de Dieu dans la doctrine de lÉglise chez
saint Augustin ».
Tout en exerçant ses charges de professeur de
théologie dogmatique et fondamentale à
lInstitut supérieur de philosophie et de
théologie de Freising, il poursuit son activité
denseignement à Bonn, de 1959 à 1963 ; à
Münster, de 1963 à 1966 ; et à Tübingen, de
1966 à 1969. Au cours de cette dernière année,
il obtient la chaire de dogmatique et
dhistoire du dogme à lUniversité de
Ratisbone, où il exerce également la charge de
vice-président de lUniversité.
De 1962 à 1965, il contribue de façon
remarquable au Concile Vatican II en tant
quexpert ; il assiste le Cardinal Joseph
Frings, Archevêque de Cologne, comme Conseiller
théologique.
Le 25 mars 1977, le Pape Paul VI le nomme
Archevêque de Munich et Freising. Il reçoit
lordination épiscopale le 28 mai suivant.
Il était le premier prêtre diocésain à
assumer la charge pastorale de ce grand diocèse
bavarois depuis quatre-vingt ans.
Paul VI le créa cardinal au Consistoire du 27
juin 1977 avec le titre de « Santa Maria
Consolatrice al Tiburtino ».
En 1978, il prend part au Conclave qui se tient
du 25 au 26 août et qui élit Jean-Paul Ier.
Celui-ci le nomme son Envoyé spécial au IIIe
Congrès mariologique international célébré à
Guayaquil (Équateur), du 16 au 24 septembre. Au
mois doctobre de cette même année, il
participe au Conclave qui élit Jean-Paul II.
Il est rapporteur à la Ve Assemblée générale
ordinaire du Synode des Évêques, célébrée en
1980, sur le thème : « La mission de la famille
chrétienne dans le monde contemporain ». Il est
Président délégué à la VIe Assemblée
générale ordinaire, célébrée en 1983, sur «
La réconciliation et la pénitence dans la
mission de lÉglise ».
Nommé par Jean-Paul II, le 25 novembre 1981,
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de
la foi et Président de la Commission biblique
pontificale ainsi que de la Commission
théologique internationale, il renonce au
gouvernement pastoral de larchidiocèse de
Munich et Freising le 15 février 1982. Le 5
avril 1993, le Pape lélève au rang de
Cardinal-Évêque en lui confiant le siège
suburbicaire de Velletri-Segni.
Le 6 novembre 1998, le Saint-Père approuva
lélection du Cardinal Ratzinger comme
Vice-Doyen du Collège des Cardinaux, élection
qui avait été faite par les Cardinaux de
lordre des évêques. Le 30 novembre 2002,
il approuva son élection comme Doyen ; lui
conférant en plus, avec cette charge, le titre
suburbicaire dOstie.
En 1999, il est Envoyé spécial du Pape aux
célébrations qui, le 3 janvier, marquent le
XIIe centenaire de la création du diocèse de
Paderborn, en Allemagne.
Le 13 novembre 2000, il est devenu Académicien
honoraire de lAcadémie pontificale des
Sciences.
Il a reçu de très nombreux doctorats « honoris
causa »: de la part de lUniversité
Saint-Thomas, à Saint-Paul (Minnesota, USA), en
1984 ; de lUniversité catholique de
Eichstätt (Allemagne), en 1987 ; de
lUniversité catholique de Lima (Pérou),
en 1986 ; de lUniversité catholique de
Lublin (Pologne), en 1988 ; de lUniversité
de Navarre (Pampelune, Espagne), en 1998 ; de
lUniversité libre Santissima Maria Assunta
(LUMSA, Rome), en 1999 ; de la Faculté de
théologie de lUniversité de Wroclaw
(Pologne), en 2000.
Plus de liens :
Le Saint
Siège
Radio Vatican
L'Osservatore Romano, le journal du
Vatican
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QUOTIDIEN
INDEPENDANT
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