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De notre correspondante à
Paris, Patricia Saint
Clément
Ecotaxe poids lourd : un
milliard pour rien ! - 7 mai
2015
Du Grenelle de l'Environnement organisé en 2007
étaient sorties quelques mesures symboliques
parmi lesquelles la taxe poids lourds. Cette
redevance devait taxer les véhicules de plus de
3,5 tonnes et permettre de financer les
infrastructures de transport et en particulier
les transports propres. Elle était d'autant plus
nécessaire que le gouvernement Villepin avait
fait le choix, en privatisant les autoroutes, de
se passer des sommes perçues aux péages qui
permettaient de financer ces grands projets.
Cette taxe était aussi l'application du principe
pollueur-payeur que tous les gouvernements
présentent comme une solution permettant de
prendre en compte le fait environnemental.
La taxe poids lourd rapidement appelée écotaxe
était lancée. Elle existe depuis des années
sans que ça pose problème dans de nombreux pays
européens, l'Allemagne, l'Autriche, la
Slovénie. La directive Eurovignette lui donne
d'ailleurs un cadre et de nombreux pays vont y
avoir recours.
La France devait donc se lancer et avait choisi
une manière originale de le faire. Elle avait
décidé de passer par un partenariat public
privé. Pour la première fois depuis les
fermiers généraux et l'Ancien Régime, l'Etat
laissait une entreprise privée collecter une
taxe en son nom. La perspective de ce contrat
attira de nombreux groupes, le grand gagnant fut
le consortium mené par Autostrade per l'Italia
allié avec la SNCF, Thalès, SFR etc. Après de
nombreux aléas, Ecomouv était créé fin 2011.
Tout semblait donc se dérouler sans problème
mais la France n'est pas un pays comme les
autres, ça ne pouvait donc pas durer.
La taxe devait voir le jour en 2013, elle est
reporté à plusieurs reprises pour des questions
techniques. Le Ministre des Transports, M.
Frédéric Cuvillier le promet, elle sera lancée
le 1er janvier 2014. En réalité, elle ne verra
jamais le jour. Pour la première fois depuis
plus d'un siècle s'organise en Bretagne un
mouvement anti fiscal, les Bonnets Rouges dont la
principale cible est cette taxe jugée injuste
pour les entreprises françaises. Le gouvernement
recule, décide de mettre la taxe en sommeil. Les
ministres changent. Mme Ségolène Royal décide
de tout arrêter et imagine la création d'une
vignette payable uniquement par les transporteurs
routiers étrangers (ce qui risque d'agacer
Bruxelles à plus d'un titre et sera jugé
discriminatoire par tous les juristes) puis tout
est arrêté et c'est finalement une augmentation
de la taxe générale sur le gazole qui va faire
office d'écotaxe.
Le problème de cette affaire est qu'elle a un
coût. La France non seulement ne percevra pas
cette taxe essentielle à son développement mais
elle va devoir dédommager Ecomouv. On peut
d'ailleurs se demander si la taxe sur le gazole
n'est pas pénalisante pour les seuls
transporteurs français. On sait que de
nombreuses entreprises encouragent leurs
chauffeurs à faire leur plein dans des pays où
les carburants sont moins taxés qu'en France.
Le prix du dédit nous le connaissons depuis un
certain temps, il s'élève à 800 millions.
Ecomouv a fermé, ses salariés ont été
licenciés. Mais le gouvernement a annoncé, le
23 avril, la dépose et le stockage des portiques
qui devaient permettre la collecte. Dans le
communiqué de M. Alain Vidalies, Secrétaire
d'Etat aux transports on apprend, bien
tardivement tout de même, que le 28 février
2015, l'Etat a lancé un appel d'offre à cet
effet. Ce marché prévoit que les collectivités
puissent faire le choix du démontage ou d'une
autre utilisation. Il est aussi écrit noir sur
blanc que certains dispositifs pourront être
revendus (notamment toutes les systèmes de
détections et de collecte). La question de la
perte financière lorsqu'il y a eu des
dégradations mérite d'ailleurs d'être posée,
puisque plus de 15 portiques ont subit des
dégradations majeures à la fin de l'année
2013. Coût de cette opération entre 1,7
millions et 7 millions. La fourchette n'en est
plus une, c'est une fourche ! Et ça continue
d'augmenter le coût global de cette opération.
Si on considère le dossier dans son ensemble,
cette opération inutile a coûté plus d'un
milliard aux contribuable depuis 2009. Elle n'a
pas permis de faire avancer d'un millimètre la
fiscalité environnementale, alors que le
gouvernement en fait un axe fort de sa politique.
Il est même permis de se demander si cet acte
manqué n'augure pas de ce que deviendront à
terme les mesures votées dans la loi sur la
transition énergétique. Alors que le
gouvernement, les entreprises, les ONG préparent
la COP 21 qui doit se tenir à la fin de l'année
à Paris, il faudrait peut être se poser la
question de la capacité française à faire
accepter de tels changements et avec quels
objectifs financiers ? Si toutes les opérations
de « fiscalité verte » se termine de la même
manière, la note risque d'être très salée
pour un résultat nul, totalement nul !
Patricia Saint Clément
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