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De notre correspondant à
Paris (75), Stéphane LOISON
ATLAS - 12
novembre 2014
Un film dAntoine dAgata
En salles le 12 novembre 2014
No Futur !
« Laissez ici lespérance, vous qui y
entrez »
(Lenfer de Dante)
ATLAS est le journal autobiographique dun
homme sans attache, rescapé dun long
périple, collectionneur dimages ivres,
morceaux épars dune identité aussi
atomisée que les territoires quil
parcourt. Il ny a pas de dieu ou
dindulgence dans ses nuits, mais
lacceptation quil ny a que la
chair.
Antoine dAgata est un photographe
aujourdhui reconnu, exposé, loué. Son
parcours est atypique - punk, anarchiste, drogué
- dans le sens où souvent ses oeuvres sont la
transgression de la frontière qui le sépare de
son sujet. Dans « Atlas » il est lacteur
même de son film ; Il est celui qui se drogue
avec les drogués, celui qui baise avec les
putes. Ce film nous entraîne dans des situations
vécues. Comme il lexprime : « Je suis
tenu de suivre à la lettre - et par
lexpérience du corps à ce plan de
travail. Je documente ce que je vis, et vis
chaque situation dans le dessein de la
documenter. ». Les scènes quil nous
impose sont dune insupportable beauté. Une
lumière à la Caravage, qui comme lui
fréquentait les lieux-dits de débauches,
éclaire des lieux où on se drogue, des lieux
où on se prostitue, où « laberration,
lexcès, la jouissance, la prostration sont
les étapes dune lente agonie de la chair
». Antoine dAgata a filmé, sest
filmé tout autour de la planète où le fil
rouge est la drogue, l Ice. Cette
consommation régulière avec un rituel précis,
filmée dune manière documentaire a sur
nous spectateur un effet hallucinatoire qui peut
être insoutenable si lon naccepte
pas dès le début le projet du « voyage » que
nous propose dAgata. Peut-être manque-t-il
au début du film « ce quon doit
sattendre » vivre. Le réalisateur nous
entraîne dans son « Bateau Ivre » où en voix
off des femmes, actrices porno, danseuses,
prostituées, droguées prennent la parole à un
montage subtil correspondant à des heures
dentretiens a été réalisé -. Elles
parlent de solitude, de mort. DAgata
entretient avec elles des rapports charnels. Il
les scrute, elles sont le support fantasmagorique
de ses angoisses, lobjet de ses désirs.
Ces paroles, il les a enregistrées après avoir
vécu avec les filles dintenses orgies
sexuelles et narcotiques, durant lesquelles se
sont établis des rapports de confiance. Elles
psalmodient des litanies à son encontre. La
différence entre lui et elles cest
quil avait le choix de ses actes, elles
non. Elles tentent de survivre, dexister
dans des conditions inhumaines qui leur sont
imposées. Dans le film le geste pornographique
à débarrassé de léconomique et du
social, est lunique alternative à une
civilisation basée sur lextinction du
désir. Quelles sont les clefs de ce film : Une
appréhension du monde par lexpérience
narcotique et sexuelle où lanimalité
prédomine sur la raison, une affirmation
dune éthique pornographique et un constat
inéluctable de laltération des corps. Un
film à découvrir à subir - sur grand écran
dans une salle obscure plutôt que sur son écran
de télévision sur la chaîne ARTE.
Stéphane Loison
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