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Offre n° 1
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REGIONS
: PAS-DE-CALAIS
De
notre correspondante à
HELLEMMES LILLE, Martin
TOURNADRE
40
ans plus tard : Kerouac
est-il mort ? - 20
octobre 2009
Il y a 40 ans décédait
des suites d'une cirrhose
alcoolique Jack Kerouac,
meneur de toute une
génération d'auteurs (
la fameuse Beat
Generation ), une année
après 68, quelle ironie
!
Son invention, qu'il
nommait « prose
instantanée » ou encore
« littérature de
l'instant » a exercé
une influence majeure sur
ses confrères (Hunter S.
Thompson, Tom Wolfe, Ken
Kesey, Haruki
Murakami...), sur les
musiciens ( on pense à
Bob Dylan, Jim Morrison
ou encore Kurt Cobain )
mais également le
cinéma ( du style de
James Dean aux genre
cinématographique
moderne road movie ).
L'écriture de Kerouac
trouvait son inspiration
dans le jazz. L'écriture
anti-conformiste
d'aujourd'hui la trouve
plus dans le rock crade
(genre Brett Easton
Ellis). Heureusement
qu'elle est là, parce
que combien de spleen de
bobos nombrilistes
envahissent les rayons
des librairies !
Une génération en lutte
contre le conformisme,
aussi bien par les
vagabondages (beat
désignait d'ailleurs les
clandestins à bord des
wagons ) que par les
écrits qu'ils
accompagnaient. Des
hommes et des femmes
marqués par des
réflexions autour
d'alternatives à la
société de consommation
alors en plein essor.
Kerouac a-t-il été
radié de la culture ?
Non. En 2001, la
rédaction du American
Modern Library inclut Sur
le Route parmi les 100
meilleurs romans du Xxe
siècle. Francis Ford
Coppola, possédant les
droits sur l'uvre
(depuis 1968) devait
l'adapter au grand écran
cette année (une très
longue histoire ce projet
!). Radio France a
adapté le livre en
feuilleton radiophonique
en 20 épisodes entre
avril et mai 2005.
Les gens ne lisent plus
Kerouac ? Si. Il fait
même partie des auteurs
du Xxe les plus lus dans
le Monde. Mais entre 1957
( date de publication de
Sur la Route ) et 2009,
une mutation s'est
produite, une sorte de
métastase philosophique,
nous sommes passés de la
liberté au libéralisme.
Ils rejetaient la
société de
consommation, nous y
aspirons. Alors les gens
sont dans le
consumérisme, l'effet de
mode, un peu à la Into
the Wild de Sean Penn.
Ils voulaient la liberté
sexuelle, on veut du
porno crade, ils
voulaient bâtir une
autre société, on veut
créer de nouvelles
technologies, ils
voyageaient librement et
comprendre les
différences culturelles,
on prend ses RTT et
photographie les
autochtones sans prendre
le temps de discuter,
c'est la génération des
voyages organisés... Les
rêves deviennent la
naïveté de celui qui ne
comprend pas la crise
économique. Le moule a
fonctionné, la majorité
de la jeunesse fait ses
études, son voyage puis
veut une baraque, une
bagnole et vite
s'installer en couple. Et
si l'on a le malheur
d'aspirer à autre chose
: « ça te passera avec
l'âge ».
Je me rappelle, lors d'un
vagabondage à Rennes,
être allé discuter avec
une fille qui justement
lisait Kerouac et me
souviens de sa phrase
très solennelle : «
c'était une autre
époque ». Un petit
demi-siècle marquerait
un changement d'époque ?
! Je crois plutôt qu'on
a transformé la culture
et ses auteurs en de
simples objets de
consommation. Raphaël
Haroche, adepte des «
Enfoirés » ( le club de
riches qui se réunit
chaque année pour faire
la pub de leur musique
pauvre et demander aux
prolos de donner de
l'argent ) nous sort un
Sur la Route ! À défaut
d'études de droit, il
aurait dû étudier la
littérature !
Des héritiers il en a.
Mais ils sont abonnés
aux contrôles de police.
De plus on assiste à
toute une génération
qui s'en réclame
revendiquer : pas de
drogues, pas d'alcool,
pas de tabac, pas de
viandes, pas de sels, pas
de sucres... Heureusement
qu'ils baisent ! Loin de
moi l'idée de faire
l'apologie de
l'autodestruction ( la
déchéance de Kerouac
est déplorable, Satori
à Paris est un
véritable testament
dépressogène ).
« Le vagabond américain
a bien du mal à mener sa
vie errante aujourd'hui
avec l'accroissement de
la surveillance que la
police exerce sur les
routes, dans les gares,
sur les plages, le long
des rivières et des
talus, et dans les mille
et un trous où se cache
la nuit industrielle. [
]
Le clochard américain
est en voie de
disparition et il en sera
ainsi tant que les
shérifs opéreront [
]
car n'ayant rien à faire
au milieu de la nuit, à
l'heure où tout le monde
dort, ils appréhendent,
le premier être humain
qu'ils voient passer. -
Ils interpellent les
amoureux sur un banc,
même. Ils ne savent
absolument que faire dans
ces voitures de police de
cinq milles dollars, avec
les appareils radio Dick
Tracy,
émetteurs-récepteurs;
ils ne savent qu'arrêter
tout ce qui bouge, de
nuit comme de jour, tout
ce qui paraît se mouvoir
sans utiliser l'essence,
la vapeur, l'armée ou la
police. » ( extrait de
Le vagabond américain en
voie de disparition dans
le recueil : Le vagabond
solitaire, 1960 ).
Avec les dispositifs de
surveillance mis en place
et les lois liberticides
passées entre temps je
pense que Jack a dû bien
user son cercueil à
force de se retourner
dans sa tombe. Kerouac
n'était pas seulement un
génie, mais également
un visionnaire et s'il
ressuscitait, il nous
ferait une syncope.
Kerouac n'est pas mort,
il est dans le coma. Je
suis un athée
pratiquant, mais Kerouac
étant lui croyant, lui
rendant hommage, je veux
bien faire une concession
et prier pour que son
âme se réveille.
Cela ne tient qu'à nous.
Martin Tournadre
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