|
De notre
correspondant Raymond
ARDISSON
Témoignages
imaginaires - 7 avril
2008
En 1997 paraissait aux
Etats-Unis le livre
"Survivre avec les
loups" de Misha
Defonseca, récit
présenté comme
autobiographique et qui
obtint rapidement un
grand succès avant
dêtre traduit dans
dix-sept langues, et plus
récemment porté à
lécran par la
cinéaste française Vera
Belmont.
Production prenant le
départ dune belle
carrière, tout comme
louvrage auquel
pourtant le moindre
lecteur, avec un peu de
sens critique, aurait dû
trouver pour le moins
invraisemblable cette
rocambolesque histoire
dune fillette de
huit ans, traversant à
pieds sur 3000 Km
lEurope en guerre,
protégée par
des
loups.
La littérature est le
domaine du faux-semblant
et le terrain par
excellence du mensonge,
plus particulièrement
celle concernant la
guerre en général et la
deuxième guerre mondiale
en particulier.
Exemples encore parmi
dautres sans
remonter trop loin : dans
ces seules vingt
dernières années, les
déclarations de
lAustralienne Helen
Demudento, dont le récit
édité et plusieurs fois
primé racontant le
périple de ses deux
frères ukrainiens,
enrôlés de force dans
la SS, était en fait
sorti de son imagination.
Celui de Benjamin
Wilkomirski, déporté
dans les camps nazis
durant sa prime jeunesse,
dont le récit tout à
fait imaginaire
"Fragment dune
enfance" va
connaître un succès
fulgurant. Traduit dans
de nombreux pays, et
recevant de multiples
prix dont le Prix
américain, très envié,
de la Littérature
étrangère. Il est reçu
en grande pompe en
Israël, la presse
décrète cet orphelin
juif : "enfant de
tous les Juifs du
monde".
Nullement impressionné
par cette nombreuse
famille arrivée soudain,
le jeune homme enchaîne
conférences sur
conférences et témoigne
dans les écoles.
Témoignages tout aussi
faux que ses souvenirs
publiés, pour celui qui
sappelle Bruno
Doessker, qui nest
pas juif et qui a eu une
enfance très banale en
Suisse neutre durant la
deuxième guerre.
Pendant un quart de
siècle, lespagnol
Enric Marco à été le
témoin et porte-parole
de tous les déportés
morts ou vivants, au sein
de lAmicale des
déportés de Mauthausen,
courant le pays depuis
trente ans, multipliant
les témoignages dans les
lycées et collèges, se
produisant dans de
nombreux colloques ou
tables rondes. On se
larrachait sur les
plateaux de télévision,
son charisme, sa faconde
faisaient merveille et
couler des larmes à
lévocation des
épouvantables sévices
quil avait dû
endurer au camp de
Mauthausen.
En 2001 il se voit
décerner la Médaille de
San Jordi, et puis
lan dernier on
découvre que ce
déporté était bien en
Allemagne mais à titre
de travailleur
volontaire, et que sa
principale qualité
était en fait une
imagination débordante
(ce qui nest pas
sans rappeler Georges
Marchais, "déporté
évadé", et qui
était aussi travailleur
volontaire dans le
Reich).
Cette Amicale jouait
dailleurs de
malchance en 2001 :
toujours un certain
Antonio Pastor
sétait lui aussi
fait passer pour un
déporté, et avait reçu
de cette association,
apparemment peu avare de
médailles, celle dite
dAndalousie, avant
dêtre lui aussi
démasqué.
Dautres ne le sont
toujours pas, tel cet
auteur à succès,
conférencier connu et
admiré, véritable
maître à penser, ayant
bâti sa fortune sur des
récits prétendus
authentiques, et à qui
Pierre Vidal-Naquet
consacre dans Le Monde du
27 novembre 1983 un
article où, sous le
titre de "Roman et
brouillard",
lauteur de
"Les Assassins de la
Mémoire" écrit que
le personnage a eu
dautant plus de
facilité de
sévader dun
camp
dextermination,
quil ny avait
jamais mis les pieds.
Précédemment, de
sérieux doutes sur
lauthenticité de
ses multiples malheurs et
exploits avaient été
aussi émis par
lhistorienne Gitta
Sereny.
Reprise par Winston
Churchill, la phrase de
Rudyard Kipling :
"La première
victime de la guerres est
la vérité"
na pas perdu de son
actualité.
Raymond ARDISSON
|
LES
PAGES "INFO" vous
proposent les meilleurs
sites de leurs
catégories ! |
|
|
|