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De notre correspondant à Eschau, Philippe DELECOLLE


De la contention, à la détention - 11 juin 2014


Pourquoi ne pas se plonger dans une réflexion sur ce sujet délicat qu’est la maltraitance des aînés en institution, et apporter, si ce n’est une solution humaine, une réflexion sur des valeurs permettant d’agir et de ne pas laisser ce phénomène se répandre.

Nous autres, professionnels de santé, sommes coupables de maltraitance en maison de retraite quand nous
l’institutionnalisons, en restant des témoins passifs - ou peut-être impuissants. Ou certains préservent-ils tout simplement leur intérêt financier, avec leur activité libérale en institution ?

Une mise au point s’impose quant à ces êtres humains placés en institution :

ce sont simplement des hommes et des femmes nés avant nous. Ce ne sont ni des “vieux”, ni des “vieillards”,
ni des “anciens”, “seniors”, “gens du 3e ou 4e âge”, je me répète : ce sont des hommes et des femmes nés avant nous.

Comment passe-t-on de la contention à la détention ? Pourquoi attache t’on nos aînés comme des chiens ? Eh
oui : nous attachons aussi nos aînés dans l’irrespect quasi absolu des 10 critères publiés en 2000 par la Haute autorité de santé, seule référence médico-légale opposable à ce jour en France quant à la “contention médicale” - car il s’agit d’un acte médical !

Afin de rester dans le cadre des “bonnes pratiques opposables”, que cela plaise ou non aux directeurs de ces établissements, ces critères sont les seuls à respecter. Celui qui cautionne la contention sans respecter ces critères est un maltraitant et rien d’autre.

La contention fait partie intégrante de la maltraitance de nos “aînés”, les attacher et les contenir font partie de
pratiques “ancestrales” avec lesquelles il faut rompre. C’est une maltraitance physique, psychique et civique qu’il est impératif de faire cesser. Placé en institution, l’être humain perd-il ses droits fondamentaux d’aller et venir ? Ou reste-t-il un être humain ?

Avec la contention, nous sommes dans des habitudes de fonctionnement archaïques et coriaces, hors d’un projet de vie adapté, hors du fameux projet de vie personnalisé hypocritement présenté aux familles lors de l’entretien d’entrée en établissement, hors d’un effort de maintien de la motricité, des gestes usuels de l’autonomie motrice. Je me pose une autre question : que privilégient nos institutions ? Il serait, me semble-t-il, intéressant de mettre un terme à l’inertie institutionnelle et à ces habitudes “coriaces”. Confectionner un réel projet individualisé est une priorité. Le respecter en est une autre. Tout le monde (aînés, salariés, famille, bénévoles) doit être soutenu, formé, considéré, écouté, entendu, accepté, choyé.

La maltraitance n’est ni un tabou, ni un courant philosophique, ni un mythe : c’est un fait quotidien, grave, usant, destructeur. Arrêtons de le cautionner : il faut le dénoncer et agir. Et dépassons la question de la contention : le problème est celui du vieillissement de notre société, et d’une société qui laisse les hommes vieillir en étant confrontés à la maltraitance. Devenir vieux en institution, serait-ce un nouveau statut social ?

Nous sommes en droit de réagir, de faire réagir les instances, de ne plus cautionner par le mutisme ces faits
quotidiens de maltraitance.


Philippe DELECOLLE


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