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Liberté de la presse dans le monde



ALGERIE : Reporters sans frontières dénonce le harcèlement dont est victime la presse - 19 septembre 2003


A la veille de la " Journée sans la presse ", du 22 septembre, Reporters sans frontières demande instamment aux autorités algériennes de cesser leur politique de harcèlement à l'encontre de la presse privée.

Depuis plus d'un mois, les autorités algériennes, et plus particulièrement le " clan Bouteflika ", s'acharnent à faire taire la presse privée, celle qui n'a pas prêté allégeance au Président en campagne et qui continue à sortir affaires de corruption sur scandales économiques et politiques. Les autorités ont tout d'abord usé de subterfuges économiques pour mettre des bâtons dans les roues à cette presse trop curieuse et parfois irrévérencieuse, avant d'adopter la stratégie du harcèlement systématique : convocations à répétition de journalistes, patrons de presse et directeurs de journaux par la police judiciaire, puis arrestations.
Si Abdelaziz Bouteflika n'a jamais entretenu de relations chaleureuses avec la presse depuis son accession au pouvoir en 1999, la situation a pris depuis un mois une tournure alarmante. Le Président s'adonne à un épluchage systématique des journaux privés, dénichant tout ce qui pourrait donner lieu à un contrôle judiciaire ou mieux, à un procès pour atteinte au chef de l'Etat (l'article 144 bis du code pénal prévoit des peines de deux à douze mois de prison et des amendes allant de 50 000 à 250 000 dinars (environ 600 à 3 000 euros) en cas d'offense au président de la République, au Parlement et à l'armée, en termes contenant l'injure, l'insulte ou la diffamation).
La valse aux convocations et aux arrestations a de quoi donner mal au c¦ur, les dernières en date étant celles d'Ahmed Benaoum (arrêté le 11 septembre), patron de la société Er-raï el Aam, éditrice des journaux Er-raï, Le Journal de l'Ouest et de l'hebdomadaire Détective, et de Fouad Boughanem, directeur du Soir d'Algérie (arrêté le 16 septembre).

Face à cette situation préoccupante, véritable déclaration de guerre à la liberté d'expression, la profession s'est organisée et tente d'orchestrer une riposte collective et organisée, même si l'unité et la cohésion ne sont toujours pas ce qui caractérise cette presse divisée et minée par des rivalités idéologiques et des intérêts financiers divergents. Ainsi, une douzaine de quotidiens sur les 43 titres de la presse privée ont décidé de faire lundi 22 septembre une grève de la presse pour sensibiliser l'opinion nationale et internationale, et pour signifier au pouvoir qu'il est temps d'arrêter cette ridicule et humiliante mascarade du harcèlement.


Rappel des faits:

- 14 août : Le Matin, Le Soir d'Algérie, Liberté, L'Expression, El Khabar et Er-raï sont sommés de payer leurs créances aux imprimeries d'Etat, avant le 17 août.
- 18 août : Ces six journaux sont absents des kiosques.
- 21 août : Liberté et El Khabar payent leurs créances et reparaissent.
- 23 août : Mohammed Benchicou, directeur du quotidien Le Matin, est interpellé à l'aéroport d'Alger avec dans ses bagages une somme importante en bons de caisse. Le ministère des Finances dépose une plainte pour " infraction régissant le contrôle des changes et les mouvements de capitaux ".
- 26 août : Quatre convocations de la police judicaire sont adressées à Farid Alilat, directeur du quotidien Liberté, Saïd Chekri, son rédacteur en chef, Ali Ouafek, son directeur de la coordination, et au journaliste Rafik Hamou.
- 27 août : Le Matin reparaît, après avoir payé ses créances.
- Mohammed Benchicou est placé sous contrôle judiciaire.
- 28 août : Farid Alilat, Saïd Chekri, Ali Ouafek et Rafik Hamou se présentent au commissariat,.
- 1er septembre : De nouvelles convocations sont adressées à sept collaborateurs de Liberté : son ancien directeur, Outoudert Abrous, Farid Alilat, Saïd Chekri, le caricaturiste Ali Dilem, le chroniqueur Mustapha Hammouche et les journalistes Rafik Benkaci et Mourad Belaïdi.
- Le Soir d'Algérie reparaît après avoir payé ses créances.
- 3 septembre : Farid Alilat, Saïd Chekri, Ali Ouafek et Rafik Hamoun sont déférés devant le procureur et le juge d'instruction. Ils sont mis en liberté provisoire.
- Le chroniqueur Mustapha Hammouche et le journaliste Mourad Belaïdi se présentent devant la police judiciaire pour audition, suite à une convocation.
- Mohammed Benchicou reçoit une convocation.
- 6 septembre : Mohammed Benchicou et Ali Dilem décident de ne plus se rendre aux convocations de la police judiciaire et de ne répondre de leurs actes que devant la justice.
- Fouad Boughanem, directeur du Soir d'Algérie, reçoit une troisième convocation.
- 8 septembre : Des mandats d'amener, signés par le procureur de la République, sont délivrés à l'encontre d'Ali Dilem et de Mohammed Benchicou. Ils sont interpellés par la police judiciaire et conduits au commissariat central d'Alger.
- 9 septembre : Ali Dilem et Mohammed Benchicou sont inculpés pour offense au chef de l'Etat. Ils sont mis en liberté provisoire. Leur arrestation provoque un attroupement sur la voie publique et trois photographes sont conduits au poste de police, puis relâchés.
- 11 septembre : Ahmed Benaoum, patron du groupe de presse Err-rai el Aam, est arrêté, après un dépôt de plainte pour " faux et usage de faux ". A l'origine de cette plainte : deux affaires de droit commun, datant d'une vingtaine d'années.
- 14 septembre : Ahmed Benaoum est placé sous contrôle judiciaire, puis relâché.
- Une dizaine de journaux indépendants décident de faire une " Journée sans presse ", le 22 septembre.
- 16 septembre : Fouad Boughanem est interpellé devant La Maison de la presse, à Alger, et conduit au commissariat central. Il est relâché en milieu d'après-midi. Des journalistes, venus protester contre son arrestation au commissariat, sont interpellés, puis relâchés. Parmi eux : la directrice de la rédaction du Soir d'Algérie, Malika Boussouf, le rédacteur en chef du Soir d'Algérie, Badreddine Manâa et Rabah Abdallah, secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ)..
- 17 septembre : L'Expression reparaît après avoir payé ses créances.
- 22 septembre : Une journée sans la presse.


Reporters sans frontières
Secrétariat international
5 rue Geoffroy-Marie
75009 Paris
Téléphone : 01 44 83 84 84
Fax : 01 45 23 11 51
www.rsf.org


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