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De notre correspondant au
Maroc, Chafik
LAMRABAT
L'acidification des océans suscite de grandes
inquiétudes - 24 septembre 2009
Outre le réchauffement climatique, les
émissions de gaz carbonique sont à l'origine
d'un autre phénomène moins connu mais tout
aussi sérieux et inquiétant : l'acidification
des océans. Des chercheurs du Laboratoire
d'océanographie de Villefranche (LOV) (CNRS /
UPMC) viennent de montrer que des organismes
marins clés tels que les coraux profonds et les
ptéropodes (escargots planctoniques) seront
profondément affectés par ce phénomène dans
les années à venir. Deux études paraissent
dans la revue Biogeosciences.
Depuis 1800, le tiers des émissions de CO2
liées aux activités humaines a été absorbée
par les océans, ce qui équivaut chaque année
à 1 tonne de CO2 par personne. Cette absorption
massive a permis de réduire les changements
climatiques mais elle entraîne également un
bouleversement de la chimie de l'eau de mer. Le
CO2 absorbé provoque en effet une acidification
des océans et au rythme des émissions
actuelles, on estime que le pH diminuera de 0,4
unités d'ici 2100. Ceci correspond à un
triplement de l'acidité moyenne des océans, ce
qui est une première dans ces derniers 20
millions d'années. L'équipe du LOV, dirigé par
Jean-Pierre Gattuso, a étudié l'impact d'une
telle diminution de pH sur des organismes
calcificateurs. Les ptéropodes (escargots marins
nageurs) et les coraux profonds vivent dans des
zones qui seront parmi les premières à être
frappées par l'acidification des océans, alors
que leur rôle au sein de leurs écosystèmes est
essentiel.
Le ptéropode Limacina helicina joue un rôle
important dans la chaîne alimentaire et le
fonctionnement de l'écosystème marin Arctique.
Sa coquille calcaire constitue une protection
vitale. Or, l'étude menée au LOV montre que cet
escargot construit sa coquille à une vitesse 30
% plus faible lorsqu'il est maintenu dans une eau
de mer ayant les caractéristiques attendues en
2100. Une diminution encore plus forte (50 %) a
été mesurée chez le corail d'eaux froides
Lophelia pertusa. Alors que les récifs
coralliens tropicaux sont formés par un grand
nombre d'espèces, les communautés coralliennes
d'eaux froides sont élaborées par une ou deux
espèces de coraux mais abritent un grand nombre
d'autres espèces. Une diminution de la
croissance des coraux constructeurs par
l'acidification des océans peut donc menacer
l'existence même de ces édifices.
Ces premiers résultats publiés soulèvent de
grandes inquiétudes sur le futur des
ptéropodes, des coraux profonds et des
organismes qui dépendent d'eux pour leur
nutrition ou pour leur habitat. Les programmes de
recherches tels que EPOCA, coordonné par le
CNRS, développent de nouvelles études sur
d'autres organismes et écosystèmes marins. Ils
réalisent des expériences de longue durée et
étudient l'impact conjoint de l'acidification
des océans et d'autres paramètres qui seront
également modifiés dans les prochaines
décennies, comme la température et la
concentration de sels nutritifs.
L'acidification des océans ne peut être
contrôlée qu'en limitant les concentrations
futures de CO2 dans l'atmosphère. Des
négociations visant à la réduction des
émissions de gaz à effet de serre (COP 15) sont
en cours et devraient être finalisées à
Copenhague en décembre prochain. Ces
négociations devront prendre en compte, non
seulement le bilan radiatif de la planète, mais
aussi le caractère acide du CO2 qui, une fois
absorbé dans l'océan, aura des répercussions
qui pourraient être dramatiques sur de nombreux
organismes et écosystèmes marins.
Références :
Impact of ocean acidification on a key Arctic
pelagic mollusc (Limacina helicina). Comeau S.,
Gorsky G., Jeffree R., Teyssié J. L., Gattuso
J.-P. Paru en septembre dans Biogeosciences
Chafik LAMRABAT
redaction@fil-info-france.com
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