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De notre correspondant à
Paris (75), Stéphane LOISON
MUSIQUE AU Musée d'ORSAY - 23
décembre 2013
MUSIQUE AU Musée d'ORSAY, Paris le 26 novembre,
le 10 décembre, le 12 décembre 2013
ENSEMBLE MUSICA NIGELLA
Ernö Dohnányi : Sextuor pour piano,
clarinette, cor et trio à cordes en do majeur
op.37
Zoltán Kodály : Intermezzo pour trio à cordes
Béla Bartók : Contrastes pour piano, clarinette
et violon Sz 111
Six danses populaires roumaines pour piano Sz 56
Musée dOrsay le 26 novembre 2013 à 12h30
Le nom de Nigella fait penser à une petite fleur
dont la délicate couleur bleue apparait sur le
logo de lEnsemble Musica Nigella. Mais le
nom de Nigella exprime le lieu de naissance de lensemble
: Tigny-Noyelle, un village de la Côte dOpale.
A une origine lointaine il se dénommait Nigella
! Le festival Musica Nigella existe depuis 2006.
Le corniste, Takénori Némoto directeur
artistique de ce festival a eu la bonne idée de
créer en 2010 le premier ensemble orchestral
professionnel du Pas de Calais. Ces membres sont
issus de différents horizons (lONF, Les
Musiciens du Louvre, lONB, lOrchestre
Symphonique de Lucerne, lOrchestre de
Chambre dEurope). Cest une sorte dambassadeur
de la région Nord/Pas de Calais. Il sest
déjà produit sur de nombreuses scènes
françaises et japonaises. Le Musée dOrsay
a eu la bonne idée de le programmer dans son
cycle « Allegro Barbaro » après lavoir
entendu dans son dernier concert-spectacle « Le
Voyage dHiver » de Schubert mis en scène
par le grand acteur, metteur en scène Yoshi
Oïda au Théâtre de lAthénée.
Il y a peu duvre contemporaine pour
cor et Takénori Nemoto aime faire des
transcriptions pour ce sextuor. Ernö Donányi
lui a écrit ce sextuor pour cor en 1935. Il est
emprunt de lesprit de Brahms, romantique à
souhait. Cette tendance existait encore dans les
années trente à Budapest. Malgré quelques
longueurs cest une uvre agréable à
écouter et le cor de Takénori Nemoto a sonné
brillamment. Le premier mouvement, allegro, nous
a permis de découvrir la belle sonorité de tous
les musiciens de lensemble. Lintermezzo-adagio
une sorte de marche funèbre nous conforta dans
la qualité dinterprétation de Musica
Nigella. LIntermezzo pour trio à cordes
uvre courte de Zoltán Kodály permit aux
cordes de montrer que nous étions face à des
musiciens hors pair. Pablo Schatzman, le
violoniste, a un son dune chaleur
exceptionnelle qui se confirma dans les uvres
de Bártok qui suivirent. Le trio pour
clarinette, piano et violon, intitulé «
Contrastes » a été écrit en 1938 pour Benny
Goodman le célèbre clarinettiste de jazz.
Nicolas Ducloux au piano, François Miquel à la
clarinette et Pablo Schatzman au violon ont
donné de cette célèbre rhapsodie une
interprétation très convaincante. Le sextuor en
fin de concert sest reformé pour jouer les
fameuses danses populaires roumaines écrites
pour piano et dont Nemoto en a tiré un
arrangement pour lEnsemble. Toutes les
qualités dinterprétation de lEnsemble
Musica Nigella quon avait appréciées dans
les uvres précédentes se sont retrouvées
dans cet arrangement. Brillance des timbres des
cordes, (Laurent Camatte, alto, Annabelle Brey,
violoncelle), sureté du jeu du pianiste et du
clarinettiste, précision dans les attaques.
Takénori Némoto plus en retrait soulignait par
moments les harmonies délicates de cette uvre
si connue. Rarement un concert parut si court. Lénergie,
la beauté du son que dégagea cet ensemble a
touché le public qui a été très silencieux et
attentif ; ce qui est un exploit aux concerts de
midi. Il faut absolument aller écouter lEnsemble
Musica Nigella dans leur prochain concert. Il
aura lieu aux folles journées de Nantes le 2
février 2014 dans des uvres de Copland,
Prokofiev et redonnera Contrastes de Bártok. Le
« voyages dhiver » reviendra lui aussi en
2014.
QUATUOR PSOPHOS
Béla Bartók : Quatuor pour Cordes Sz
102 n°5 (1934)
Henri Dutilleux : Ainsi la nuit, pour quatuor à
cordes (1977)
Musée DOrsay le Mardi 10 décembre 12h30
Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils ont du
talent ! Cest ce quon peut dire à lécoute
de ce concert. Créé au sein du Conservatoire
National Supérieur de Musique et de danse de
Lyon en 1997, ce quatuor a été nommé en 2005
« meilleur ensemble de lannée » aux
Victoires de la Musiques. Il a été le premier
ensemble français sélectionné par la
prestigieuse « New Generation Artist de la BBC
» à Londres. Depuis il se produit sur de
nombreuses scènes internationales. Il sest
spécialisé dans le répertoire contemporain. Il
est le partenaire privilégié de compositeurs
tels que Nicolas Bacri ou Marc Monnet.
Au petit amphithéâtre du Musée dOrsay
dans le cadre de lexposition « Allegro
Barbaro », ils ont interprété Dutilleux et
Béla Bartók. Cette association nest pas
innocente. Comme dans le quatuor de Bartók, le
discours de Dutilleux se déploie à partir dun
noyau générateur et les sept mouvements sont
agencés à partir de cette simple thématique.
Composé entre 1971 et 1977 à la suite dune
commande de la Fondation Koussevitzky, il était
destiné au Quatuor Julliard, « Ainsi la nuit »
a été créé à Paris par le Quatuor Parrenin
le 6 janvier 1977, et donné en première
audition américaine par le Quatuor Julliard le
13 avril 1978 à Washington. Dédié à la
mémoire dErnest Sussman, amateur dart
américain et ami du compositeur, le quatuor est
écrit en hommage à Olga Koussevitzky.
Ainsi que la expliqué Dutilleux : « Je navais
jamais écrit jusque-là pour le quatuor. Jai
commencé par ébaucher des pièces qui se
présentaient un peu comme des études pour mexercer
à cette tâche nouvelle pour moi. Il sagissait
de fragments isolés sans véritables liens entre
eux, mais que je fis parvenir au Quatuor Julliard
pour quils se familiarisent avec mon
écriture. »
À partir de ces « études », Dutilleux a
tenté détablir un lien entre les sept
sections du Quatuor en intercalant
irrégulièrement des Parenthèses. « Tout se
transforme insensiblement en une sorte de vision
nocturne, doù le titre « Ainsi la nuit
». Cela se présente, en somme, comme une suite
d « états » avec un côté quelque peu
impressionniste. ». Le Quatuor constitue une
illustration supplémentaire du concept de
mémoire cher à Dutilleux au travers des notions
de variation et de préfiguration. Lécriture
instrumentale, se situe de façon avouée dans le
sillage des quatuors de Beethoven et de ceux de lÉcole
de Vienne.
Guillaume Martigne, exceptionnel violoncelliste
de lensemble na pas caché que jouer
« Ainsi la nuit » était aussi un hommage au
compositeur qui vient de disparaître cette
année et dont peu dévénements lui ont
été dédiés. On sintéresse plus à
Verdi et Wagner, cest plus vendeur.
Martigne avait eu la chance de rencontrer
Dutilleux lorsquil avait treize ans. Vu létat
de la partition d « Ainsi La Nuit » on
peut simaginer le nombre de fois que le
Quatuor Psophos la travaillé et joué.
Quel plaisir de lentendre et quelle belle
interprétation en ont fait ces jeunes. Ayant
moi-même fait un film avec Henri Dutilleux sur
sa musique de chambre jétais encore plus
ému dentendre ce quatuor. Cette uvre
pas simple daccès, difficile à
interpréter est devenu classique comme toute luvre
de cet immense compositeur. Le Bartók a été
joué en seconde partie. Lassociation de
ces deux uvres et dans ce sens était
intéressante car nous pouvions mieux comprendre
linfluence de Bartók sur la conception du
quatuor de Dutilleux. Se dénommer « événement
sonore » (psophos en grec) ne manque pas de
panache ; Les membres ont changé au cours du
temps, ils ont tous de fortes personnalités qui
saccordent parfaitement. Guillaume Martigne
le violoncelliste a une très belle sonorité,
Cécile Grassi, lalto nétait pas
mise en valeur du fait de lacoustique de la
salle malgré toute lénergie quelle
déployait. Il faut dire que jouer ce genre de
musique à midi est un exploit. Mais ces jeunes
gens prennent des risques et vu leur parcours et
les artistes qui aiment jouer avec eux, ils ne
peuvent quêtre que gagnants. Oui ce
concert avait bien lair dun
événement sonore.
PS : Ils ont enregistré quelques quatuors de
Bacri et lintégrale des quatuors dOhana.
QUATUOR KELLER
Zoltán Kodály ; Quatuor pour cordes
op.2,n°1
Gyorgy Ligetti ; Quatuor pour cordes,n°1 «
métamorphoses nocturnes »
Béla Bartók : Duos pour deux violons Szc98
Quatuor pour Cordes Sz 91 n°4
Musée DOrsay le jeudi 12 décembre à
12h30
Fondé en 1987 au Conservatoire Liszt à
Budapest, le Quatuor Keller a su s'imposer sur la
scène internationale dès 1990 en remportant, la
même année, tous les prix réguliers et
exceptionnels à la fois au Concours d'Evian et
au Concours Borciani. Il a enregistré de
nombreux quatuors dont plus récemment ceux de
Kurtàg et les derniers de Chostakovitch. La
formation dorigine a évolué mais il est
toujours 100% hongrois avec Andras Keller au
violon. Le programme offert ce jour létait
aussi.
Zoltán Kodály est né en 1882 à Kecskemét,
dans l'Empire austro-hongrois. Il entrera à
l'Université de Budapest, tout en étudiant la
composition à l'Académie de musique de Budapest
où il y rencontra Béla Bartók qui restera son
plus fidèle ami jusqu'à sa mort. Avec Bartók,
il va recueillir mettre en forme et publier une
quantité considérable de chants traditionnels
populaires. Pendant la seconde guerre mondiale,
Kodály restera à Budapest, se retirant de
l'enseignement. En 1945, il fut nommé président
de l'Académie Hongroise des Arts, et assurera
également la présidence de l'Académie
Internationale de Musique Populaire ainsi que la
Présidence d'Honneur de la Société
Internationale pour l'Education Musicale. Il est
l'un des artistes hongrois les plus connus et les
plus respectés. Il est mort à Budapest en 1967.
Les quatuors au début du XXième siècle en
Hongrie étaient affaire de musiciens amateurs.
Le premier quatuor hongrois professionnel sintéressa
plus à la musique contemporaine. Le coup denvoi
fut avec celui de Kodály en 1909, puis créa
ceux de Bartók. Ce quatuor ouvrait une voix
nouvelle en matière de composition, par ses
couleurs modales inusitées, ses mouvements
construits autour de thèmes inspirés du
folklore ; inutile de dire que le Keller le
possédait parfaitement et quil linterpréta
avec beaucoup de tenue. Cest dans la
magnifique interprétation du Ligeti que les
quatre musiciens, grands solistes, ont fait la
démonstration quils jouaient dune
seule voix. Rarement une telle connivence, un tel
raffinement sest fait entendre dans ce
quatuor si particulier. La partition ne comprend
quun seul mouvement organisé en courtes
sections contrastant par la conception du jeu à
quatre. Un début, une sorte de mise en abyme,
puis peu à peu le tissu canonique mène à un
point culminant si particulier reconnaissable du
style de Ligeti. Cest une uvre qui
demande une attention particulière et le public
a été totalement subjugué par cette uvre
même sil ne la connaissait pas.
En deuxième partie Andras Keller et Zsófia
Kömyei, ont joué quelques duos pour violons
avant que le quatuor interprète le N°4 de
Bartók ; Cest une uvre que Ligeti
connu très tard car elle ne passait pas à la
radio dans les années cinquante ; seulement les
uvres les plus simples étaient
retransmises, les autres étaient interdites dantenne.
Ce quatuor est dune conception audacieuse,
le mouvement lent constituant le noyau de luvre
autour duquel les autres mouvements se
stratifient. Le Keller était là aussi dans son
élément ; en bis il nous offrit un extrait du
N°16 op.135 « Lento assai cantante e
tranquillo» de Beethoven de toute beauté. Un
autre quatuor hongrois, le quatuor Vegh, en a
enregistré une version de référence. Le
développement du quatuor à cordes en Hongrie
est devenu une véritable institution.
Stéphane Loison
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