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De notre correspondant à Paris (75), Stéphane LOISON


14 juin 2012

Cité de la Musique, Paris
ManiFeste 2012, 13 juin 2012

Philippe Manoury
Pasacaille pour Tokyo, pour piano et dix sept instruments.
Piano : Dimitri Vassilakis
Synapse, concerto pour violon et orchestre
Violon : Hae-Sun Kang
Yann Robin
Inferno, pour grand orchestre et électronique en temps réel – Création (commande de l’Ircam et de l’Orchestre Philharmonique de Radio France)
Orchestre Philharmonique de Radio France
Direction de Jean Deroyer

D’abord un grand bravo à l’Orchestre, à la direction et aux deux solistes.

Les deux oeuvres de Manoury au programme sont extrêmement compliquées à interpréter pour les solistes et ils ont été exceptionnels. Quant aux compositions, on peut dire que Pasacaille (1994) est une œuvre devenue avec le temps terriblement « classique » avec des clichés stylistiques et Synapse (2010) intellectualisée sur la papier mais dans l’écriture pas si inventive que cela. ManiFeste a une bonne idée de nous faire découvrir et redécouvrir Manoury. L’on peut voir comment il s’est enfermé dans un système de pensée « normatif » et l’on peut se demander s’il n’est pas surestimé. Il fait partie de cet art académique des instances culturelles françaises qu’a prôné Boulez dans les années 70 et qui s’est fermé à toute autre mode de pensée musica.
Qu’en restera-t-il en fin de compte ?

Avec Yann Robin y aurait-il un renouveau dans la musique dite « contemporaine » c’est à dire, hélas, pas en phase avec son temps ?

"Inferno" de Yann Robin, musique physique, charnelle, est très éprouvante à l’écoute et à la vision. Cette œuvre est pleine de bruits et de fureurs. A voir les musiciens souffrir à la jouer, on se dit qu’eux aussi sont dans « l’Enfer » de Dante . Disons que c’est la vision qu’en a Robin. Elle est supposée dit-il être « concentrique » comme le poème de Dante. Le problème est qu’à l’écoute, il nous est difficile de cerner tous ces cercles tant la composition manque de finesse. Pendant 45 minutes on est face à un magma sonore qui à la longue nous semble répétitif, à la limite de l’ennui. Il y a des moments extraordinaires, à prendre au sens littéral du terme, ce sont des moments de grandes beautés sonores, puis on décroche malgré les décibels. De temps en temps on se prend à penser aux musiques de Goldsmith, musiques pour films fantastiques ou de "science fiction" qu’on entend depuis plus de vingt ans, surtout avec l’emploi des infrasons. Bref ce projet ambitieux nous laisse quand même sur notre faim. L’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction énergique et précise de Jean Deroyer a été exemplaire. Certes Yann Robin mérite son prix de jeune compositeur Sacem 2011, mais une bonne idée ne fait pas forcément une bonne musique. Il est jeune, vigoureux, plein d’idées, mais il n’a pas compris que le silence annonçant l’effroi peut souvent être terriblement angoissant. El silencio del Kaos infernal cela aussi existe. C’est ce qu’ont assimilé les musiciens et réalisateurs de films de genre.

Même si des auditeurs quittaient la salle pendant l’exécution de l’œuvre, ce fut quand même un bon programme.


Stéphane Loison


 

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