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info du mercredi 5 juillet 2017 N°
4835/26231
- FRANCE
- FIL INFO POLITIQUE - Simone Veil et son époux
reposeront au Panthéon, annonce Emmanuel Macron,
lors d'un hommage national : Voici le
discours intégral du président de la
République française, Emmanuel Macron,
prononcé le mercredi 5 juillet 2017, dans la
Cour d'Honneur de l'hôtel national des Invalides
à Paris. Simone Veil ( photo ), rescapée des
camps de concentration nazis, académicienne,
ancienne ministre de la Santé et ex-présidente
du Parlement européen de 1979 à 1982,
Grand-croix de la Légion d'honneur, Chevalier de
l'ordre national du Mérite, est décédée à
Paris, vendredi 30 juin 2017, à l'âge de 89
ans. Début de citation : " Cher Jean, cher
Pierre-François, chers membres de la famille
VEIL, Messieurs les présidents, Mesdames et
messieurs les chefs de gouvernement, Mesdames et
messieurs en vos grades et qualités, Votre
nombre, vos qualités, votre présence, la
présence de tant et tant de nos concitoyens qui
sont là parmi nous, sont les témoignages
vivants de l'importance de cet instant. Au moment
de rendre à Simone VEIL l'hommage de la nation,
après les témoignages si puissants et poignants
de ses deux fils, suspendons un instant le fil
obligé des discours officiels et contemplons
cette vie ? car elle ne cesse décidément de
nous étonner. Jamais nous n'en pourrons mesurer
les souffrances ? si profondes, si violentes, de
celles qui brisent une âme - qu'il s'agisse de
la noire expérience des camps de la mort où
moururent sa mère bien-aimée Yvonne, son père
André, son frère Jean ; plus tard du décès
accidentel de sa sur Madeleine, compagne de
déportation, et de son neveu Luc : de la mort
trop précoce de son fils Claude-Nicolas ; enfin
de la disparition d'Antoine, si présent
aujourd'hui dans nos pensées, dans notre coeur,
Antoine l'indispensable, Antoine toujours
bouillonnant d'idées et d'histoires, si gai et
au fond si solide. Mais jamais non plus de cette
vie nous pourrons peser exactement l'invincible
ardeur, l'élan profond vers ce qui est juste et
bien, et l'énergie inlassable à le faire
triompher. Oui, cette vie de femme offre à notre
regard des abîmes dont elle aurait dû ne pas
revenir et des victoires éclatantes qu'aucune
autre qu'elle n'aurait su remporter. A ce
mystère d'existence, de caractère, à ce
mystère qui défie la raison commune et nous
inspire tant de respect et de fascination, nous
donnons en France un nom, bien ancré dans notre
génie national. Ce nom c'est la grandeur. Cette
grandeur est celle des combats qu'elle livra les
uns après les autres, parfois les uns en même
temps que les autres car ce ne furent ni plus ni
moins que les combats du siècle. Son engagement
pour transférer en France sous statut de
réfugiées politiques ces femmes qui subissaient
dans les geôles françaises en Algérie le viol,
la faim, les coups, fut d'une lucidité
implacable, généreuse, qui aujourd'hui encore
nous stupéfie. Sa bataille pour que cessent les
conditions sordides et meurtrières dans
lesquelles se déroulaient les avortements, mais
aussi contre l'hypocrisie sociale qui les
favorisaient fait partie pleinement de l'histoire
de notre modernité. Son combat pour l'Europe ne
datait pas de son élection comme députée au
Parlement européen, puis comme première
Présidente de celui-ci. Il remontait plus loin,
dans l'intimité même de son existence. Il
datait de 1945. Les plaies de la déportation
n'étaient pas refermées mais cela ne
l'empêchait pas de vouloir renouer avec
l'Allemagne. Un de ses proches m'a fait cette
confidence : jamais il n'entendit Simone VEIL
prononcer sur l'Allemagne et les Allemands la
moindre parole amère ou blessante. Elle aima
l'Europe, elle la défendit toujours. Dans les
moments où le pays pouvait douter, ou d'autres
la critiquait, elle était là. Parce qu'elle
savait qu'au coeur de ce rêve européen, il y
avait avant tout ce rêve de paix et de liberté
pour lequel elle s'est tant battue. Elle ne fit
pourtant pas de l'oubli et encore moins du pardon
aux bourreaux la condition de cette
réconciliation. Bien au contraire. Parce qu'elle
tenait que la mémoire est là pour que
l'inconcevable ne se reproduise pas, et non pour
amoindrir l'horreur. Je vois ici, dans cette
cour, tant et tant de compagnons de ses combats
menés durant tant d'années alors que trop
nombreux étaient ceux qui étaient prêts à ne
rien dire. Comme présidente de la Fondation pour
la mémoire de la Shoah, elle observa cette ligne
d'une exigence totale. Ne rien céder à l'oubli,
redonner corps à toute trace, redonner des
visages et des noms et réconcilier. D'autres
combats - ils sont si nombreux - nous reviennent
à l'esprit comme celui pour la ratification de
la déclaration universelle des droits de l'homme
à la tribune des Nations Unies, celui de la
protection sociale, ses combats de ministre aux
côtés de Valéry GISCARD D'ESTAING, Jacques
CHIRAC, François MITTERRAND et Edouard BALLADUR,
celui des droits de l'homme en Yougoslavie et
partout, toujours, sa lutte pour les femmes, son
engagement contre le racisme, contre
l'antisémitisme. Les temps, hélas, lui
fournirent bien des raisons de s'engager avec
force. Mais il y a plus encore. Ces combats, elle
les mena bien souvent avant que la société et
les murs ne les aient faits leurs, avant
que la majorité ne les ait adoptés. Elle eut
raison bien souvent avant l'opinion commune et
souvent contre elle. Simone VEIL fut cet
éclaireur de la République qui monte seul à
l'assaut de Bastille réputées imprenables et
qui, pourtant, les prend, pour ensuite nous les
offrir en partage, à nous qui n'avions pas cru
que cela serait possible, ou qui par
indifférence parfois avions permis que le
scandale prospère. Aujourd'hui, la République
s'enorgueillit d'avoir livré ces combats. Mais
avons-nous toujours été justes avec cette Juste
? Le salaire de son courage, ce fut souvent la
haine venimeuse des uns, les injures exécrables
des autres. De cela elle fut blessée, mais
jamais abattue. Elle tenait tête, car elle
savait la solitude des pionniers, le sort cruel
qu'on réserve à ceux qui bousculent l'ordre
établi et dérangent l'assoupissement général.
La victoire était à ce prix car la victoire, en
vérité, n'avait pas de prix. La liberté aussi
était à ce prix et Simone VEIL l'avait
résolument choisie. Elle sut se tenir aux
marges, dans cette insoumission intraitable et
vigilante qui, lorsqu'elle se met en action,
obtient les plus belles conquêtes et change ce
qui se croyait établi pour toujours. Mais d'où
lui venait cette force, cette volonté toujours
de se battre pour des causes justes ? Quelle fut
cette boussole intérieure qui toujours lui
indiquait le chemin vrai ? Comment se fait-il que
jamais elle ne se trompa de combat ? A cela,
chacun apportera sa réponse selon ce qu'il eut
à connaître d'elle. Je crois, pour ma part, que
le secret s'en trouve dans son expérience si
précoce et si radicale de l'arbitraire et du
Mal. De cela, elle tira presque aussitôt une
morale de vie inaltérable. La souffrance ne
donne qu'un droit : celui de défendre le droit
de l'autre. Tel était son absolu, né de sa
douleur intime ineffaçable : aider, protéger
l'autre, en particulier les plus faibles. Nous le
savons elle eut souvent la dent dure avec les
plus puissants. Mais elle fut toujours tendre
avec les faibles. Elle ne défendit pas les
femmes parce qu'elles étaient femmes, mais parce
qu'elles étaient humiliées par la puissance des
hommes. Combien il reste à faire à cet égard
comme à tant d'autres ! Comme nous avons encore
besoin de cette capacité de colère et d'action
qui jusqu'au bout l'animèrent ! Car, ne nous y
trompons pas, les combats de Simone VEIL ne sont
pas des victoires acquises pour toujours, ce qui
les a fait naitre ressurgit sans cesse, ici ou
ailleurs, aujourd'hui malheureusement dans trop
d'endroits en Europe et au coeur de nos
sociétés. Intolérance, sectarisme, haine
fanatique ou doctrinaire, extrémismes avançant
sous le masque d'un populisme débonnaire,
compromissions de toutes sortes avec ce qui
piétine notre humanité restent des braises
ardentes prêtes à rallumer les pires
embrasements. La détermination inexorable de
Simone VEIL à faire prévaloir en tout l'humain,
est ici notre cap. Son humanité, du reste,
n'était pas réservée à la sphère publique.
Elle irriguait son intimité à l'égard de son
époux, de ses fils, de ses petits-enfants et
arrière-petits-enfants. Aux lettres si
nombreuses qu'elle recevait où des
correspondants lointains exprimaient leur
détresse ou leur solitude, elle répondait avec
attention. Parfois, dit-on, cela irritait un peu
Antoine. Elle employait pour cela une langue
française de grande élégance que nourrissait
sa vive passion pour la littérature française,
ce goût inculqué dès l'enfance par son père.
Il eût été si fier de voir sa fille accueillie
à l'Académie Française. Lorsqu'une vie se
consacre à la justice, et singulièrement à la
justice pour les plus faibles, les plus exposés,
les plus humiliés ; lorsque cette vie est
nourrie par une bienveillance sans partage à
l'égard de cette humanité dont pourtant elle a
vu la face la plus hideuse ; et lorsque cette vie
choisit de se construire sous l'égide de la
République, c'est la France qui en est grandie.
Vous avez, Madame, prodigué à notre vieille
Nation des dons qui l'ont faite meilleure et plus
belle. Vous avez jeté dans nos vies cette
lumière qui était en vous et que rien ni
personne n'a pu jamais vous ôter. Les Français
l'ont su, l'ont compris. Votre grandeur fit la
nôtre. Aussi, ce n'est pas seulement l'hommage
de la Nation qu'en ce jour endeuillé nous vous
présentons. C'est la France et l'Europe tout
entière qui sont là témoignant de vos combats.
Et au moment où vous nous quittez, je vous prie,
Madame, de recevoir l'immense remerciement du
peuple français à l'un de ses enfants tant
aimés, dont l'exemple, lui, ne nous quittera
jamais. C'est pourquoi j'ai décidé, en accord
avec sa famille, que Simone VEIL reposerait avec
son époux au Panthéon ". Fin de citation.
SOURCE : Rédactions à Paris de FIL-INFO.TV ®
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1634-4979 © / ISSN 1638-1572 © ; FIL1FO.INFO ® News
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