- Mardi
23 mars 2004 N° 675/22071
- BANDE
DE GAZA : L'armée israélienne a
assassiné lundi à l'aube à la sortie d'une
mosquée le chef suprême du Hamas, cheikh Ahmad
Yassine, 67 ans et paraplégique (photo)
dans un raid aérien à Gaza. Cette opération
d'assassinat ciblé contre "le chef le plus
éminent des assassins terroristes
palestiniens" rapporte Radio Israël a été
pilotée personnellement par Ariel Sharon, auteur
de cette déclaration, depuis sa ferme du Néguev
sur un écran vidéo relié à 3 missiles
téléguidés équipés d'une caméra vidéo dans
leur tête. 3 heures après que des drones
(avions sans pilote) israéliens aient survolé
Gaza pour prendre des repères, des chasseurs F
16 ont survolé la zone à l'aube, pour couvrir
le bruit de l'hélicoptère de combat qui a tiré
(à 05 h 00 locales, 03 h 00 GMT) les missiles
qui ont tué au moins 8 Palestiniens dont Cheikh
Yassine qui assiste habituellement en fauteuil
roulant à la prière du matin dans une mosquée
du quartier de Sabra, proche de son domicile. Une
quinzaine de Palestiniens ont été blessés,
dont deux de ses fils. Le ministre de la
Défense, le général Shaul Mofaz a qualifié la
victime de "Ben Laden palestinien".
Shaul Mofaz s'est-il rendu à Paris pour obtenir
l'aval ou prévenir la France, désormais premier
allier d'Israël en Europe, de
l'imminence de cet assassinat ciblé à travers
sa brève rencontre avec la ministre de la
défense française Michelle Alliot-Marie le
lundi 9 mars 2004 ? Secret défense ? (voir notre édition du 15 mars 2004). La
direction du Hamas, en annonçant la mort de son
guide spirituel, a déclaré que le Premier
ministre israélien Ariel Sharon avait
"ouvert les portes de l'enfer".
"Ce sont des tueurs de prophètes et,
aujourd'hui, ils ont tué un symbole islamique.
C'est la guerre à l'islam" a crié le
dirigeant politique du Hamas, Abdelaziz
Al-Rantissi sur la chaîne de télévision
Al-Arabiya. Des centaines de milliers de
Palestiniens en colère sont sortis dans les rues
de Gaza pour assister aux funérailles de Cheikh
Yassine et des autres victimes du raid
israélien. Une manifestation dont l'ampleur
rappelle celle du retour triomphal d'Arafat à
Gaza en 1994, au lendemain des accords d'Oslo
(1993). Des manifestations ont eu lieu dans tous
les camps de réfugiés et en Cisjordanie
occupée. 4 manifestants palestiniens ont été
abattus par l'armée israélienne. Une grève
générale a été décrétée à Jérusalem-est.
L'armée israélienne a procédé à un bouclage
total de tous les territoires palestiniens
occupés. Des manifestations ont eu lieu dans les
onze camps palestiniens de Jordanie, en Irak, au
Liban, un peu partout dans les pays arabes. Les
Brigades des Martyrs d'Al-Aqsa ont appelé les
mouvements palestiniens à "proclamer une
guerre sans merci contre le peuple sioniste"
promettant d'observer la loi du talion. La
branche armée du Hamas, les Brigades Ezzedine
Al-Qassam, a promis de riposter par un
"tremblement de terre". Le président
de l'Autorité palestinienne Yasser Arafat a
dénoncé un "crime barbare" saluant le
"martyr" et le "héros",
décrétant 3 jours de deuil dans les territoires
palestiniens et a appelé à la tenue d'une
réunion spéciale du Conseil de sécurité de
l'ONU. Le Premier ministre Palestinien, Ahmed
Qoreï, a qualifié cet acte "d'insensé et
très dangereux qui ouvre grand la porte au
chaos", rappelant que Cheikh Yassine était
un modéré qui "contrôlait le Hamas".
La communauté internationale a condamné
l'élimination de Cheikh Yassine, à l'exception
des Etats-Unis. Condoleezza Rice, conseillère de
la Maison Blanche pour la sécurité nationale
s'est contentée d'appeler au calme les 2
parties. Le secrétaire général des Nations
Unies Kofi Annan a qualifié cet assassinat de
"contraire aux lois internationales".
Le Canada "regrette et condamne l'assassinat
de Cheikh Yassine". Le Conseil de la Ligue
arabe a appelé le Conseil de sécurité de l'ONU
à prendre "des mesures immédiates et
sérieuses" à l'encontre d'Israël. Le
secrétaire général de la Ligue arabe, Amr
Moussa, a qualifié l'assassinat de Cheikh
Yassine d'expression du "terrorisme d'Etat
dans sa forme la plus hideuse" estimant
qu'Israël avait agi "hors la loi sous
couvert d'immunité internationale". Shimon
Peres, ancien Premier ministre et actuel chef de
l'opposition travailliste, a critiqué
l'élimination de Yassine, estimant que c'était
"une erreur" prédisant que cela
pourrait "déboucher sur une escalade de la
terreur" ajoutant "Je ne crois pas
qu'en liquidant les dirigeants, nous puissions
liquider le terrorisme". Le président
syrien Bachar al-Assad a dénoncé un "crime
horrible" et un "acte qui constitue une
escalade dangereuse au Proche-Orient". Le
président libanais Emile Lahoud a jugé
qu'"assassiner un symbole n'efface pas les
droits mais ne fait qu'encourager la
résistance". Le cheikh Hassan Nasrallah,
chef du mouvement intégriste chiite Hezbollah, a
menacé de faire "payer le prix fort"
à Israël pour son "immense folie qui vient
s'ajouter à toutes ses folies
précédentes". Le roi Abdallah de Jordanie
dont le père, le roi Hussein, avait obtenu
d'Israël la libération de cheikh Yassine en
1997 (après un raté du MOSSAD), a estimé que
"ce crime ne conduira qu'à une escalade, à
davantage de violence et d'instabilité dans la
région". Le président égyptien Hosni
Moubarak a qualifié cet acte de
"sauvagerie" qui "fait avorter le
processus de paix" annonçant que son pays
boycotterait les cérémonies prévues dans 4
jours en Israël à l'occasion du 25e
anniversaire du traité de paix
égypto-israélien et Mohamed Mahdi, chef de file
des Frères musulmans, a qualifié l'opération
israélienne de "crime impardonnable"
et déclarant à l'agence Reuters "Nous ne
dormirons pas avant que le dernier sioniste
quitte notre territoire." Selon l'agence
France Presse, AFP, le guide suprême Ali
Khamenei aurait prévenu que l'Etat hébreu
était "voué à la destruction". Les
autorités religieuses musulmanes au
Moyen-Orient, sunnites comme chiites, se sont
également élevées contre cet assassinat, dont
la plus haute autorité de l'islam sunnite,
l'imam de la mosquée cairote Al-Azhar qui a
appelé au "châtiment (des)
meurtriers". La Libye a dénoncé cette
opération qui s'inscrit dans la série "des
crimes hideux commis par Israël de manière
arbitraire et indiscriminée à l'encontre du
peuple palestinien". Le roi du Maroc
Mohammed VI a qualifié cet assassinat
d'"agression ignoble". La Tunisie s'est
déclarée "profondément indignée" et
l'Algérie a condamné "la lâcheté
habituelle dont fait montre Israël". Le
ministre des Affaires étrangères allemand
Joschka Fischer n'a pas condamné cet acte et
s'est dit "profondément préoccupé par cet
événement", rappelant simplement que
"le terrorisme et la violence conduiront
seulement à faire plus de victimes
innocentes" dans le conflit. L'Union
européenne a condamné l'assassinat à travers
la voix du président du Parlement européen,
l'Irlandais Pat Cox, estimant qu'il ne servira
pas "la cause de la paix" au
Proche-Orient. Le président français Jacques
Chirac a "condamné sans réserve" cet
assassinat "contraire au droit
international". Le secrétaire au Foreign
Office Jack Straw a qualifié le raid
d'"inacceptable". La Suisse et le
Portugal ont simplement déploré la
"spirale de violence" au Proche-Orient
et la République Tchèque a qualifié
l'événement de "malheureux". La
Turquie estimant que "ce genre d'action ne
sert pas la paix et la tranquillité". En
Afrique sub-saharienne, le président
sénégalais, Abdoulaye Wade, a condamné
"avec la dernière énergie" cet
assassinat, ainsi que l'Afrique du Sud qui
redoute "des actes de représailles et
contre-représailles massives". Au Vatican
l'assassinat du fondateur du Hamas était
qualifé "d'acte de violence qui ne saurait
être justifié dans aucun Etat de droit".
Cheikh Yassine avait prédit la fin d'Israël aux
alentours de 2025, sans préciser s'il s'agissait
de l'holocauste nucléaire. En Israël, les
ministres de l'intérieur et de la justice,
membres du parti laïc Shinuï se sont
"désolidarisés" de l'action d'Ariel
Sharon.
- PALESTINE
: Un mot d'ordre de grève générale
a été lancé lundi depuis une mosquée en
Cisjordanie et la Bande de Gaza à partir de
hauts parleurs après l'assassinat du chef
spirituel et fondateur du Hamas, Cheikh Yassine.
- CISJORDANIE
: Mohammad Abou Halimeh, journaliste
palestinien de 22 ans qui travaillait pour le
compte de la radio de l'université Al-Najah, qui
couvrait des affrontements dans un camp de
réfugiés près de Naplouse, a été tué par
des tirs de soldats israéliens lorsque ceux-ci
ont ouvert le feu sur les Palestiniens qui leur
jetaient des pierres.
- LIBAN
: Le Hezbollah a bombardé lundi le
secteur controversé des fermes de Cheeba, zone
occupée par Israël depuis 1967, et revendiquée
par Beyrouth, tirant plus de 65 roquettes et obus
de mortier sur des positions israéliennes.
L'aviation israélienne a riposté en tirant sur
un village frontalier.
- JORDANIE
: 6 000 personnes ont manifesté lundi
à Amman après l'assassinat du Cheikh Yassine et
demandé aux autorités de fermer l'ambassade
d'Israël aux cris de "non à l'ambassade
sioniste sur la terre jordanienne". Le roi
Abdallah II, dont le pays a signé un traité de
paix avec Israël en 1994, a effectué une visite
"secrète" jeudi 18 mars 2004 en
Israël où il a rencontré le Premier ministre
Ariel Sharon dans le but de convaincre M. Sharon
"de ne pas prendre des mesures unilatérales
qui lèsent les droits des Palestiniens"
selon un communiqué du palais présidentiel.
- IRAK
: 13 soldats britanniques ont été
blessés dans 2 explosions lundi à Bassorah. ** Une voiture
piégée a explosé lundi devant une base
militaire américaine au nord de Bagdad. 6
membres des forces paramilitaires irakiennes ont
été blessés. ** 2 hommes
d'affaires finlandais ont été abattus à Bagdad
par des hommes armés qui ont tiré sur leur
véhicule. ** Le grand
ayatollah Ali Sistani, guide spirituel chiite,
s'est dit prêt à refuser la visite d'une
délégation d'experts de l'ONU sauf si elle
affirme que la future assemblée nationale
irakienne "ne sera pas engagée par la Loi
fondamentale" votée au début du mois.
- TCHETCHENIE
: Selon une enquête de la Cour des
Comptes russe, et après 4 ans d'enquête, sur
les 2 milliards de dollars investis ces 4
dernières années pour la reconstruction du
pays, 200 millions de dollars ont été
détournés en surfacturation, falsification
comptable ou à d'autres fins que celles prévues
dans le budget.
- PAKISTAN
: L'armée a annoncé l'arrêt de ses
opérations de traques de membres présumés d'Al
Qaïda et de Talibans à la frontière avec
l'Afghanistan pour permettre à une délégation
tribale d'engager des négociations avec les
quelque 500 combattants encerclés dans la
région du Waziristan du Sud et obtenir leur
reddition. Ils seraient bloqués dans un tunnel
souterrain de 2 km.
- EGYPTE
: Des représentants du Quartette pour
le Proche-Orient (Etats-Unis, ONU, Russie et
Union européenne) se sont réunis lundi au
Caire. Cette réunion prévue depuis une dizaine
de jours devait porter sur la perspective d'une
reprise des négociations de paix entre les
Palestiniens et les Israéliens. L'assassinat du
Cheikh Yassine a changé l'ordre du jour. Les
journalistes ont été interdits à cette
réunion.
- ALGERIE
: Le ministère britanique des
Affaires étrangères (Foreign Office) a annoncé
lundi avoir fermé "pour des raisons de
sécurité" son ambassade à Alger et
transféré tout son personnel dans un hôtel de
la capitale.
- NIGERIA
: La porte-parole du président
Obasanjo a annoncé lundi que le Nigéria a
donné son accord à la demande de la Caricom
(Communauté des Caraïbes) à accorder un asile
"temporaire de quelques semaines" au
président haïtien Jean-Bertrand Aristide
"jusqu'à ce qu'il gagne un autre
pays".
- MALI
: Ouverture lundi à Bamako d'une
réunion de deux jours portant sur la traite des
enfants en Afrique de l'Ouest. Cette conférence
qui regroupe des participants d'une dizaine de
pays a été organisée par l'Organisation
internationale pour les migrations (OIM) et le
gouvernement malien. Les travaux de cette
réunion portent, selon un expert Attaher Maïga,
sur "le trafic de main d'oeuvre infantile,
mais aussi l'exploitation des enfants à des fins
sexuelles, la mendicité infantile et
l'utilisation des enfants dans des réseaux de
vente de stupéfiants, ainsi que dans les
conflits armés."
- MOZAMBIQUE
: L'Eglise locale de Nampula a
fortement réagi lundi contre des articles
"calomnieux" parus dans la presse
salissant le travail mené par la Congrégation
des Soeurs de Marie qui avait mis au jour un
trafic d'organes d'enfants. Elle a également
dénoncé les "trafics de mineurs, les
enlèvements, les assassinats et les mutilations
de cadavres" et exige que "les
enquêtes soient poursuivies et aboutissent à
une conclusion exhaustive transparente et
cohérente et sans aucune condition". Plus
de détails : Notre édition du 3 mars 2004 ; Du meurtre d'une nonne au
trafic d'organes.
- SALVADOR
: Elias Antonio Saca, 39 ans du parti
de l'Alliance nationaliste républicaine (ARENA),
a remporté dès le premier tour l'élection
présidentielle de dimanche avec près de 58 %
des voix face à son adversaire Schafik Handal,
73 ans, ex-chef du parti communiste devenu leader
du FMLN (Front Farabundo Marti de Libération
Nationale, légalisé en 1992).
- TAIWAN
: L'opposition continue de manifester
pour demander un recomptage des voix après le
scrutin présidentiel qui a vu la victoire du
président sortant Chen shui Bian avec 30 000
voix d'avance sur son adversaire Len Chian.
L'opposition accuse notamment que suite à
l'attentat qu'elle qualifie de
"mystérieux" contre le président
Chen, quelque 200 000 militaires ont été
mobilisés pour des opérations de sécurité,
les empêchant ainsi de voter. Le ministère de
la Défense a démenti toute opération de ce
type affirmant que seul 1/9è des effectifs
militaires était de service. La Haute Cour a
pris toutes les mesures pour permettre un
recomptage des voix, ce qui pourrait prendre
quelques mois.
- ALLEMAGNE
: Après le lancement jeudi à
Stuttgart dans le sud-ouest du pays et en Europe
de la campagne itinérante de Peta
("People for the Ethical Treatment of
Animals"), qui revendique 75 000 membres à
travers le monde, et dénonçant les élevages
industriels et les abattoirs, le Conseil central
des Juifs en Allemagne a saisi la justice pour
faire interdire la diffusion d'affiches sur le
thème "l'Holocauste
dans votre assiette". Elle a
obtenu gain de cause. Dans son recours, le
Conseil central des juifs exige l'interdiction
immédiate de diffusion sur quel que support que
ce soit, des images de cette campagne qui
"met sur le même plan les victimes de
l'Holocauste et les animaux". Dans un
communiqué le conseil central des juifs a
précisé que l'association Peta risquait une
amende allant jusqu'à 250 000 euros si elle ne
respectait pas cette décision. Cette campagne
d'affichage associant des photos d'animaux
d'élevages industriels et de camps
d'extermination nazis se poursuit en Europe
après avoir été diffusée aux Etats-Unis où
elle s'est attirée les foudres de la Ligue
Anti-diffamation juive. Après Stuttgart jeudi et
Zurich vendredi, Peta a présenté sa campagne
lundi à Milan. Elle sera mercredi à Zagreb,
vendredi à Vienne, puis à Bratislava, Prague,
Varsovie, Stockholm, Copenhague et Amsterdam
d'ici le 8 avril.
- LITUANIE
: Le chanteur Bertrand Cantat jugé
pour la mort de sa compagne Marie Trintignant a,
au cours de son droit de parole, demandé
"pardon du plus profond du coeur à la
famille Trintignant" ajoutant "Je veux
vous dire que j'ai pleinement conscience de la
gravité des conséquences de cette situation.
J'assume ma responsabilité même si je n'ai
jamais voulu ça et que dans la seconde qui a
précédé ces gifles, je ne savais pas qu'elles
allaient exister". Le verdict sera connu le
29 mars. Ma fille,
Marie par Nadine Trintignant. (*)
La citation du jour : La
citation du jour : "Un
fou ne peut être ni persuadé ni brisé."
(Cité par Epictète,
Entretiens, II, XI)
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